Lionel Duroy, Leonora Miano, Luc Lang…

Questions de filiation

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Publié le 19/09/2016
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L-Le jardin arc-en-ciel

L-Le jardin arc-en-ciel

L-Et pour toujours...

L-Et pour toujours...

L-Crépuscule du tourment

L-Crépuscule du tourment

L-Au commencement...

L-Au commencement...

L-L'absente

L-L'absente

Auteur de plus d'une douzaine de romans à teneur souvent autobiographique (« Priez pour nous », « le Chagrin »,« l'Hiver des hommes »), Lionel Duroy est presque un familier. On le retrouve avec bonheur dans « l'Absente » (1), où il revisite encore une fois son histoire personnelle mais parvient à nous surprendre. Un écrivain – que l'on imagine, à l'image de l'auteur, dans la soixantaine – est contraint, après que sa femme l'a quitté, de vendre la maison où ont grandi ses enfants. Déboussolé, il erre sur les routes de France en quête d'un lieu où se réfugier, rencontrant des personnages et des situations qui sont autant de prétextes pour l'auteur à laisser libre cours à sa verve habituelle. Du magma de ses souvenirs émerge la figure de celle qu'il aura haï toute sa vie, sa mère, aujourd'hui disparue et dont il reconstitue ici l'histoire en forçant sa mémoire. Surgit alors un secret enfoui et se dessine le portrait d'une femme différente et même aimante. Un récit comme un solde de tout compte ?

« Crépuscule du tourment » (2) se situe dans un pays qui pourrait être le Cameroun, d'où est originaire l'auteure. C'est toute l'identité africaine qu'interroge Léonora Miano (« Contours du jour qui vient », « la Saison de l'ombre », prix Femina 2013) à travers les voix de quatre femmes africaines, d'origine antillaise ou guyanaise, qui racontent leur vie intime, ce qu'elles ont toujours tu, leur sexualité, leurs désirs et leurs colères. Elles s'adressent au même homme, Dio, qui ne les entend pas. Elles sont pour lui sa mère, son grand amour qui l'a quitté, son compagnon dont elle n'est pas amoureuse et son frère. Leurs histoires familiales et en particulier les relations mères-filles, mettent en lumière toute la fragilité et la puissance de ces femmes victimes des traditions, de la colonisation, de la superstition et du racisme. Construit comme une succession de monologues qui s'emboîtent et se répondent, le roman dévide toutes les problématiques de l'Afrique.

Enquête et quête

Trois « Livres » structurent le grand et fort roman de Luc Lang (« Mille Six Cents Ventres », « Mother »), « Au commencement du septième jour » (3), dans lequel un homme, Thomas, cherche à savoir pourquoi sa femme a été victime d'un accident de voiture inexplicable, sur une route de Normandie où elle n'aurait pas dû se trouver. Son enquête, alors qu'elle est dans le coma et après sa mort, se transforme en une quête, une reconquête de soi et de son passé. L'homme pressé, bien installé dans son ménage avec deux enfants et dans son travail d'informaticien, se tourne alors vers les siens, qu'il voyait peu. Vers son frère, qui a préféré élever des brebis dans les Pyrénées plutôt que son métier d'ingénieur agronome, vers sa sœur, qui a choisi de soigner les déshérités au Cameroun. Ici et là, Thomas se fraye ainsi des chemins vers la connaissance de soi, en même temps qu'il apprend à connaître les autres et qu'il ouvre les yeux sur les sales réalités de ce monde. Une belle réussite.

Historien de formation et auteur de deux biographies (sur Najat Vallaud-Belkacem et Arnaud Montebourg), Valentin Spitz, qui a repris des études de psychanalyse, publie « Et pour toujours ce sera l'été » (4). Lucas, 17 ans, est au cœur de ce premier roman qui, en dépit de son titre et de sa couverture, n'est pas une bluette. Le jeune homme rejoint son père, un acteur célèbre, absent et indifférent, à Saint-Tropez, où il se perd dans les frasques et les nuits de fête, jusqu'à l'arrivée de la femme qui va devenir sa belle-mère. Mais l'adolescent ne pense qu'à sa mère, mystérieusement disparue quand il était enfant. L'intrigue alors se précipite entre le flou des souvenirs, les dits et les non-dits de ces trois personnages. La souffrance et la violence gagnent jusqu'à la révélation d'un sordide secret de famille et une terrible scène finale. Une ambiguïté de genre et d'écriture intéressante.

Connue au Japon pour ses livres pour enfants et ses chansons, Ogawa Ito a obtenu un grand succès avec son premier roman, « le Restaurant de l'amour retrouvé », où une jeune femme se découvre des dons insoupçonnés dans l'art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats préparés comme une prière. « Le Jardin arc-en-ciel » (5) appelle aussi au bonheur, mais dans un cadre familial inhabituel. La famille est constituée d'une jeune femme, mère d'un garçon de 6 ans, et d'une lycéenne en classe de terminale et qui va elle-même donner naissance à une petite fille, qui vont s'aimer. Réfugiées dans un village de montagne avec leurs enfants, Izumi et Chiyoko ouvrent une maison d'hôtes, qui accueille tous les visiteurs avec bienveillance et sans préjugés, dans le seul but de les voir repartir apaisés et heureux. Un récit plus poétique que mièvre.

 

 

(1) Julliard, 352 p., 20 €
(2) Grasset, 280 p., 19 €
(3) Stock, 538 p., 22,50 €
(4) JC Lattès, 212 p., 17,50 €
(5) Philippe Picquier, 296 p., 19,50 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9518