« Moi, la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais, pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant – mais surtout dans le silence –, je déconne à mon tour. » C'est ainsi que l'exposition consacrée à Tosquelles, s'inspirant de l'un de ses propos, s'intitule « la Déconniatrie ». Et plus explicitement : « Art, exil et psychiatrie autour de François Tosquelles ».
Le psychiatre catalan fait partie des 500 000 réfugiés qui fuient l'Espagne après la victoire de Franco. Après un passage dans le camp d'internement de Septfonds, il s'installe pendant l'Occupation à Saint-Alban-sur-Limagnole et, avec le directeur de l'hôpital Lucien Bonnafé, va faire émerger de nouvelles pratiques, dont la création artistique par les patients – Dubuffet collectionnera leurs œuvres sous l'appellation d'art brut. Saint-Alban reçoit à cette époque des écrivains et artistes en exil, tels Nush et Paul Éluard et Tristan Tzara. Après la guerre, l'hôpital met ainsi en place les éléments d'une psychiatrie désaliénante, fondée notamment sur des activités communes (cinéma, clubs, journaux). De nombreux psychiatres d'avant-garde y feront leurs armes, comme Frantz Fanon, penseur martiniquais de la décolonisation.
L’exposition réunit plus de 100 œuvres, d'art moderne ou créées par des patients, ainsi que des films, livres et archives, et un volet d'art contemporain. Elle fait partie d'un grand projet sur la création en exil réalisé en collaboration avec le Centre de Cultura Contemporània de Barcelone, le musée Reina Sofia de Madrid et l'American Folk Art de New York. L’exil étant aussi celui du malade psychiatrique, souvent vu comme un étranger.
(Les Abattoirs, lieu d'exposition d'art moderne et contemporain de Toulouse, jusqu'au 6 mars 2022, lesabattoirs.org)
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