THEATRE - « Ithaque », de Botho Strauss

Ulysse, notre contemporain

Publié le 12/01/2011
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Crédit photo : P. VICTOR/ARTCOMART

IL ARRIVE de dos, harassé, titubant. Il arrive au rivage et celui-ci est hostile. De hautes falaises, comme un mur. De l’autre côté, la falaise se fera majestueux escalier. En haut, trône, dans son lit, fumant cigarette sur cigarette, Pénélope. Charles Berling et la comédienne israélienne Ronit Elkabetz portent les deux principales partitions de cette pièce, « drame » de Botho Strauss qui déplie le récit d’Homère, épisodes du retour d’Ulysse dans son pays…

La pièce du dramaturge allemand lié à la Schaubühne date d’il y a quinze ans. Ici, traduite par Pascal Paul-Harang, elle n’est pas d’une facture révolutionnaire. Elle suit l’essentiel du récit. On est donc comme un enfant qui tournerait les pages d’un grand et bel album. Ce qui est puissant, dans Botho Strauss, c’est qu’il nous montre à quel point Ulysse est notre contemporain. Comme le Périclès de Jacqueline de Romilly. C’est ce qui soulève la représentation.

Elle n’est pas sans faiblesses. Par exemple, si l’idée du dramaturge allemand à propos des prétendants est très méchante et forte, ils ne sont pas encore dirigés assez fermement. Le petit troupeau devrait être éblouissant dans le jeu de l’abjection et la lâcheté. Les trois comédiennes du chœur sont un peu inégales. L’essentiel est superbe. Le texte manque volontairement de lyrisme, la traduction est fidèle. On aimerait pourtant par moments un petit plus, les protagonistes ayant l’étoffe de l’épopée. Athéna a la force de Grétel Delattre, Télémaque la fragilité et la sincérité de Clément Clavel, le vieux porcher, Jean-Marie Winling est aussi Laërte. Quant à la nourrice, elle est incarnée par la belle Sylvie Milhaud qui ne craint pas la profération tragique.

Jean-Louis Martinelli dirige avec tact et un sens excellent du rythme. Ronit Elkabetch, beauté à la Irène Pappas, et Charles Berling, qui ne quitterait le théâtre pour rien au monde (il a souvent travaillé avec le metteur en scène), donnent à cette belle histoire son supplément de sensualité, de mystère et de grâce, ce que souligne la musique, discrète et frappante à la fois de Ray Lema.

Théâtre de Nanterre-Amandiers (tél. 01.46.14.70.00), à 20 heures du mardi au samedi, en matinée le dimanche. Durée : 3 h 20 (1 h 50, 20 minutes d’entracte, 1 h 10). Traduction à paraître à L’Arche. Jusqu’au12 février.

À noter : le 17 janvier, à Nanterre, hommage à Roger Planchon et au musicien Gérard Barreaux avec de très nombreux participants et des images de l’INA. .

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8883