CINEMA - « Le cœur a ses raisons », de Rama Burshtein

Une Jane Austen hassidique

Publié le 02/05/2013
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Crédit photo : DR

NÉE DANS une famille laïque, convertie à l’âge des études supérieures, Rama Burshtein parle de ce qu’elle connaît : elle habite à Tel Aviv et appartient à la communauté hassidique ultra-orthodoxe qui, dit-elle, lui « offre une vie orthodoxe et passionnante ». Loin d’elle cependant l’idée d’un quelconque prosélytisme ou de comparaisons entre les univers religieux et laïc. Il s’agit de raconter une histoire, qui ne manque pas de romantisme, et ce n’est pas pour rien que la réalisatrice cite Jane Austen. Comme les romans de la romancière anglaise, son film « se déroule dans un monde où les règles sont rigides et claires » et « les personnages ne cherchent pas le moyen d’y échapper mais bien d’y vivre ».

Nous faisons la connaissance de Shira, 18 ans. Elle rêve de se marier et est promise à un jeune homme qu’elle a entrevu au supermarché – ce sont souvent les familles qui suggèrent une alliance mais les deux membres du futur couple doivent être d’accord. Mais quand sa sœur meurt en couches et que le veuf risque de partir à l’étranger avec son bébé, la mère tente de le marier avec Shira. Entre cérémonies religieuses et scènes familiales, on ne sort quasiment pas de la communauté. Et pourtant, cela ne semble pas étouffant, en dépit des nombreux interdits. Car la réalisatrice, qui signe le scénario (avec la bénédiction du rabbin, qui a confié à son mari « le soin de le lire et de décider si c’était convenable » !), a su faire leur place aux sentiments et aux émotions, avec pudeur mais force. Elle a su aussi mettre en valeur l’un des traits distinctifs du hassidisme, la communion joyeuse avec dieu, en particulier par le chant et la danse. Et sa mise en scène, souvent inventive, nous met vraiment au cœur de cette vie particulière.

On suit donc, non sans empathie, les atermoiements de Shira. Au festival de Venise, où le film a été présenté sous son titre original, « Fill the Void » (Remplir le vide) – meilleur que celui choisi en France mais peut-être moins attirant –, Hadas Yaron a obtenu le prix d’interprétation. Une réussite qui est aussi celle de la cinéaste, qui signe là son premier long métrage de fiction.

R. C.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9239