Médiation en santé : « aller vers » pour mieux accompagner

Publié le 16/07/2021
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Comment promouvoir l’équité en santé, le recours à la prévention, aux soins, l’autonomie et la capacité d’agir des personnes les plus vulnérables ? La médiation en santé est l’une des solutions qui, en « allant vers », par le biais d'acteurs associatifs permet une interface entre cette population exclue et les acteurs du système de santé.
Pour certains patients, l'accompagnement est une condition sine qua non de l'accès aux soins

Pour certains patients, l'accompagnement est une condition sine qua non de l'accès aux soins
Crédit photo : AP HP ST-LOUIS-BURGER/PHANIE

Alors que les conditions de l’égalité d’accès à la santé sont théoriquement et globalement remplies du point de vue juridique en France par le biais d’une série de dispositifs (assurance maladie universelle, CMU-C, AME, PRAPS, PASS, ASV, etc.), on s'aperçoit que cela ne suffit pas à ce que l’égalité et l’accès aux droits soient pleinement effectifs. Trop de professionnels de santé et d’intuitions pensent aussi que l’accès aux soins est possible pour tous par le biais des assistantes sociales, des associations, des centres d’hébergement, des éducateurs ou travailleurs sociaux, des urgences, des consultations hospitalières… C’est une croyance qui perdure, y compris dans le monde médical, mais qui tend à créer des relations médecins/patients biaisées et à laisser hors du système des personnes fragiles en besoin de soins ou de prévention.

Comment la société civile peut-elle se mobiliser afin de ne laisser personne éloigné des systèmes de prévention et de soins ? L'exclusion des soins concerne évidemment d'abord le public de migrants et les populations étrangères en habitat précaire. Le programme AŠAV dont le but était d’aller à la rencontre des 15 à 2000 personnes vivant en bidonville en France (majoritairement issus des minorités rom d’Europe de l’Est) a été mis en place dès 2011. Une médiation en santé a été proposée et déployée sur six régions françaises en faisant intervenir des médiateurs biculturels (14 à temps plein) chargés d’évaluer les besoins des populations en prévention et en soins. Leur but était aussi de favoriser l’intégration dans le système de soins en faisant mieux connaître les particularités de ces personnes auprès des soignants.

Mais il n’y a pas que les étrangers qui sont concernés par les difficultés d’accès aux soins. Ainsi, Médecins du Monde a choisi le modèle de la médiation pour aller au plus près des populations rurales. Une expérience pilote a par exemple été mise en place dans la Haute Vallée de l’Aude, une zone affectée à la fois par la précarité et l’inégale répartition de l’offre de soins. Les médiateurs ont sillonné les 86 communes de la zone en 2018 pour aller vers 380 personnes en situation de précarité dont 58 % avaient déclaré avoir renoncé aux soins dans les 12 derniers mois. La présence sur le terrain a permis une écoute des besoins, une aide à l’obtention des droits sociaux, un accompagnement physique si nécessaire vers les structures et des professionnels de santé, une autonomisation des futurs recours aux soins et une sensibilisation des soignants aux problématiques particulières de ces populations.

Secret et respect de la personne

La médiation en santé est l’un des outils disponibles pour tenter d’apporter des solutions aux inégalités de santé. Elle est en effet souvent liée à la prise en charge de la précarité dans le cadre des PRAPS (Programme Régionaux d’accès à la précarité et aux soins) ou associée à d’autres populations spécifiques : les précaires, en psychiatrie notamment. Il s’agit d’un processus temporaire de « l’aller vers » et du « faire avec ». La HAS, qui s’est penchée sur le sujet en 2017, retient trois grands principes déontologiques devant s’appliquer à la médiation en santé. À savoir : la confidentialité et le secret professionnel ; le non-jugement ; le respect de la volonté des personnes. Les actions de médiations sont mises en place avec des équipes pluridisciplinaires, souvent en développant des partenariats avec des associations. C'est Médecins du Monde qui est engagé dans un programme de médiation en santé en zones rurales au sud de Lille. C'est l'association IKAMBERE qui gère des permanences hospitalières au service des femmes migrantes atteintes du VIH. Ou la Chaîne de l'Espoir Programme qui accompagne des enfants hospitalisés en France sans famille à leur côté.

La mise en place de partenariats avec certaines Fondations - la Fondation Nehs Dominique Beneteau, par exemple — permet d’assurer des formations spécifiques, de pérenniser les financements, de proposer une évaluation sur des données quantitatives et sur des critères d’impact social. Dans les années à venir, les médiateurs formés selon les propositions de la HAS (480 h de formation initiale) pourraient être de plus en plus impliqués dans les parcours de soins, en particulier les médiateurs biculturels qui peuvent proposer une approche spécifique fondée sur une interface entre deux cultures.

https://www.has-sante.fr/jcms/c_2801497/fr/la-mediation-en-sante-pour-l…
Exergue : La médiation est  souvent liée à la prise en charge de la précarité ou associée à d’autres populations spécifiques : en psychiatrie notamment. 

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin