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Dossier

Thermalisme

Objectif prévention !

Publié le 12/01/2018
Objectif prévention !

Thermalisme
VOISIN/PHANIE

Les preuves d’efficacité s’accumulent en médecine thermale et la prévention ne fait pas exception. Confortées par des résultats d’études, les stations proposent des programmes d'éducation et d'accompagnement spécifique dans l’insuffisance veineuse chronique, la fibromyalgie, la gestion du stress ou encore le post-cancer, la réduction de consommation de psychotropes, etc.

Longtemps négligée en France, la prévention est désormais une priorité de santé publique affichée par le ministère de la Santé. Et depuis quelques années, de plus en plus en plus d’acteurs de santé regardent dans cette direction. La médecine thermale n’échappe pas au phénomène, avec une multiplication des initiatives développées dans cette optique. 

“ETP thermale”

Ainsi, certains centres proposent désormais, en complément des cures classiques de soins de 18 jours, des programmes de prévention et d’éducation thérapeutique (ETP) spécifiques. Ces initiatives sont rigoureusement balisées et évaluées, avec pour chacune d’entre elles des données « en cours de publication ou qui seront publiées », se félicite le Pr Christian-François Roques (président du conseil scientifique de l’AFRETh). Pour ces programmes, un diagnostic ou bilan éducatif est réalisé en individuel par un médecin ou un soignant. Il permet de cibler les connaissances et les besoins spécifiques individuels. Les différents ateliers proposés, isolément ou en groupes interactifs, sont animés par des personnes formées (40 heures obligatoires) dans un cadre précis, délimité par les Agences régionales de santé.

Indication privilégiée de cure thermale, l’insuffisance veineuse chronique – qui nécessite une implication quotidienne du patient – bénéficie de ce type d’approche. La Léchère propose ainsi une éducation thérapeutique spécifique validée par l’ARS. De son côté, la station d’Argelès Gazost propose le programme Thermœdème, dédié aux pathologies lymphatiques. En complément des soins spécifiques visant à réduire le volume de l’œdème (aérobains  locaux ou avec hydromassages, enveloppement d’eau thermale, drainages lymphatiques), le patient devient autonome grâce à des ateliers d’éducation thérapeutique, où il apprend à placer correctement ses bandes de contention, à effectuer l’auto-drainage de l’œdème et assimile les conseils d’hygiène de vie. Enfin, il bénéficie d’entretiens personnalisés pour son suivi post-cure.

Dans la fibromyalgie, qui donne du fil à retordre aux praticiens, la cure thermale est bénéfique. L’éducation thérapeutique permet aux patients de réapprendre à bouger et à mieux gérer leurs douleurs en sortant de la spirale de la sédentarité et de l’inflation d’antalgiques. Aux thermes d’Allevard-les-Bains, la prise en charge de la fibromyalgie combine les vertus de l’eau, les soins, le temps de cure (18 jours) avec les approches complémentaires associées de l’éducation thérapeutique. Une expérience concluante est également conduite à Bourbon Lancy, avec le programme ETP FIBR’Eaux mis en place depuis quatre ans.

Des outils pour gérer des périodes critiques

De plus en plus, les stations thermales s’investissent aussi dans l’accompagnement de situations “à risque”, type périodes de stress excessif, post-cancer, etc. 
Ainsi, à Saujon, l’École thermale du stress donne des clés pour mieux gérer le stress et parvenir à ne pas se laisser submerger par un trop-plein émotionnel. Comme le rappele le Dr Olivier Dubois (psychiatre et président du directoire des thermes de Saujon), il ne s'agit pas de psychothérapie mais d’outils qui renforcent les effets naturels de l’eau thermale. 

L’association d’ateliers psycho-éducatifs à la médecine thermale permet d’acquérir et de consolider les stratégies anti-stress. En complément d’une cure de trois semaines, le programme d’éducation prévoit six ateliers spécifiques, quatre séances de relaxation avec apprentissage de techniques variées, un bilan personnalisé avec conseils en fin de stage et une option d’entretien individuel avec une psychologue. Des stages de cinq jours sont aussi possibles. 

Le thermalisme a aussi démontré son efficacité dans la prise en charge du burn-out (amélioration des symptômes dans l’étude autrichienne de Blasche) et d’autres travaux devraient être menés pour confirmer son intérêt plus en amont, en prévention. 
L’accompagnement thermal post-cancer est aussi en plein boum, avec des résultats prometteurs, comme en témoignent les données de l’étude Pacthe. Réalisé dans trois stations thermales françaises (Vichy, Châtel-Guyon et Le Mont-Dore), cet essai randomisé a évalué un programme d’accompagnement et de réhabilitation post-thérapeutique de deux semaines destiné à des femmes en rémission complète de leur cancer du sein en milieu thermal. Associant soins hydro-thermaux, éducation physique, diététique, soutien psychologique, soins esthétiques, cette intervention complexe s’est montrée significativement supérieure au suivi classique en termes de qualité de vie, troubles de l’humeur (dépression), activité physique, contrôle pondéral, sommeil, consommation de biens de santé, reprise de l’activité professionnelle. Depuis, les initiatives se sont multipliées et plusieurs stations ou chaînes thermales proposent des programmes spécifiques.

Des bénéfices durables sur l’hygiène de vie

Enfin, la cure thermale est un moment propice à l’acquisition et au maintien d’habitudes bénéfiques sur le long terme, comme en témoigne l’étude TCAP, menée sur une population âgée en moyenne de 70 ans. Un an après leur cure, près des deux tiers avaient un niveau d’activité physique supérieure à celui de départ. « Les personnes âgées qui n’avaient pas le niveau d’activité physique de l’OMS ont pu significativement augmenter celui-ci à un an leur niveau d’activité grâce à l’ETP thermale », souligne le Pr Roques. Dans le syndrome métabolique, la reprise de bonnes habitudes de vie est possible et bénéfique, comme l’a montré l’étude observationnelle Gin, conduite à Eugénie-les-Bains : des modifications comportementales acquises durant une cure thermale réduisent de deux tiers le nombre de patients ayant un syndrome métabolique, après 12 mois de suivi dans le groupe intervention.

Signe fort, la nouvelle convention thermale signée il a quelques semaines vient d’acter l’idée d’une prise en charge officielle de certaines de ces initiatives. Ainsi, les séjours post-cancer et les programmes de sevrage en benzodiazépines sont désormais éligibles à un financement de l’Assurance maladie, mais en nombre limité et avec des critères stricts qui devraient bientôt être définis par la Cnam et le Cneth.

La cure thermale pour alléger les ordonnances ?

La balnéothérapie peut-elle être une façon d’alléger l’ordonnance des patients dans certaines maladies chroniques ?  Certaines études plaident dans ce sens, notamment en psychiatrie.

Dans l’étude SPECTh menée chez des consommateurs chroniques de benzodiazépines, 41 % des 70 patients ayant bénéficié d’une cure (avec hydrothérapie et éducation psychothérapique) ne consommaient plus d’anxiolytiques aux 3e et 6e mois post-cure et 78 % avaient réduit leur consommation médicamenteuse d’au moins 50 %. Cette approche apparaît donc comme une option crédible pour accompagner le sevrage aux benzodiazépines. 

Dans l’étude randomisée prospective StopTag, les auteurs ont montré qu’une cure de trois semaines faisait mieux dans les troubles anxieux qu’un traitement par paroxétine (2 mois), avec une amélioration du score HAMA (Hamilton Anxiety Rating Scale) plus marquée.
 

Dr Muriel Gevrey

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