En France, le secteur de la santé est responsable d’environ 8 % des émissions de gaz à effet de serre. De la fabrication des équipements à usage unique à la consommation énergétique des hôpitaux, en passant par le transport des patients, chaque étape des parcours de soins génère une empreinte environnementale considérable.
En parallèle, les conséquences de la dégradation environnementale s’invitent dans les hôpitaux : vagues de chaleur, maladies respiratoires liées à la pollution de l’air, recrudescence des zoonoses… Selon l’OMS, 15 % des causes de mortalité en Europe sont liées à des causes environnementales. Nous sommes confrontés à un effet boomerang où le système de santé, tout en répondant aux besoins croissants, alimente les facteurs qui exacerbent ces besoins. Dès lors, évaluer la pertinence des parcours de soins sans intégrer ces impacts revient à traiter les symptômes sans s’attaquer aux causes.
Redéfinir la pertinence des soins
Conceptualisée par la méthodologie Value-based healthcare (VBHC), ou valeur en santé, l’évaluation de la pertinence des parcours de soins repose sur trois critères : la qualité clinique des soins (amélioration de l’état de santé du patient), la satisfaction des patients (prise en compte de leur expérience et de leurs attentes), l’efficacité économique (optimisation des coûts pour le système). Ces critères omettent un paramètre fondamental : l’impact environnemental des parcours.
À quoi bon proposer une nouvelle prise en charge si, à long terme, elle participe à dégrader les conditions de vie des générations futures ? Un parcours de soins pertinent doit désormais intégrer des indicateurs environnementaux, Eroms ou Environment-related outcome measures, pour guider nos pratiques à tous les niveaux de décision. Proposons désormais des parcours de soins à qualité et sécurité au moins équivalentes ayant un plus faible impact environnemental !
Ces nouveaux outils pourraient inclure des mesures telles que l’empreinte carbone des traitements, la consommation de ressources naturelles, la gestion des déchets médicaux et les émissions de polluants. Il s’agirait donc de s’appuyer sur la méthodologie de la détermination des analyses de cycle de vie (ACV) de l’ensemble du parcours de soins.
À quoi bon améliorer la prise en charge si elle participe toujours à dégrader les conditions de vie des générations futures ?
De telles métriques permettraient d’identifier les pratiques à corriger en priorité et ainsi adopter une vision holistique et systémique de la « santé durable ». Cela suppose : de privilégier la santé publique et les politiques de prévention aux approches centrées sur la médecine curative, de repenser l’organisation des parcours de soins, d’intégrer les dimensions environnementales dès la conception des politiques de santé (limiter l’exposition aux polluants, promouvoir des modes de vie sains et favoriser l’accessibilité à l’éducation sanitaire), d’évaluer les parcours de soins (un parcours « optimisé », sans étapes redondantes ou examens inutiles, diminue considérablement les impacts environnementaux et améliore l’efficience des systèmes).
Renforcer l’attractivité et la résilience du secteur
Adopter des pratiques durables peut améliorer l’image du système de santé et attirer les professionnels sensibles à ces enjeux. De plus, un système de santé écologique est intrinsèquement plus résilient face aux crises. En réduisant sa dépendance aux énergies fossiles ou à des chaînes d’approvisionnement longues et vulnérables, il devient mieux armé pour faire face aux défis futurs.
Mobiliser les acteurs de santé
Pour réussir cette transition, il est indispensable d’accompagner les professionnels de santé. Il serait nécessaire, pour avancer dans ce domaine, de créer un campus de transition écologique en santé pour agréger les initiatives et capitaliser sur les ressources et avancées. La formation médicale doit intégrer des notions de santé environnementale et sensibiliser les soignants à l’évaluation écologique des parcours. Les décideurs doivent disposer d’outils adaptés, tels que des indicateurs standardisés ou des bases de données sur l’empreinte carbone des actes médicaux.
Les patients, enfin, ont un rôle clé à jouer. Informés sur l’impact environnemental des soins, ils pourront faire des choix éclairés et devenir des partenaires actifs de la transition écologique.
Une responsabilité éthique collective
Réduire l’impact écologique des parcours de soins ne doit pas être perçu comme un sacrifice mais comme une opportunité de construire un système de santé plus juste, plus durable et plus humain. Il s’agit d’un enjeu collectif qui transcende les clivages traditionnels : patients, soignants, industriels, décideurs publics, tous ont leur rôle à jouer.
En intégrant des indicateurs environnementaux, le secteur de la santé pourra se réinventer, non seulement pour répondre aux défis d’aujourd’hui mais pour préparer un avenir où prendre soin des individus n’ira plus à l’encontre de la préservation de notre planète. Car en fin de compte, soigner la Terre, c’est aussi soigner l’Humanité.
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