La trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), dont s’est dotée la France pour avancer de manière coordonnée sur le sujet, retient l’option « réchauffement moyen de + 4 °C (par rapport à l’ère préindustrielle) en 2100 en France hexagonale ». Ça ne vous impressionne peut-être pas mais c’est énorme. Chaque fraction de degré compte quand le changement climatique anthropique (attribué aux émissions de gaz à effet de serre engendrées par les activités humaines) accroît le risque de catastrophes naturelles (inondations, incendies, cyclones…), mais aussi la pollution de l’air et même l'exposition aux produits chimiques.
Comme le rappelle l’OMS, ces risques ne sont ni lointains ni abstraits. Selon une étude de l'Imperial College de Londres sur 854 villes européennes, la hausse des températures liée au changement climatique a entraîné, à l’été 2025, 16 500 décès supplémentaires par rapport à un été qui n'aurait pas été réchauffé par les activités humaines (+ 1 444 décès pour la France, dont 409 à Paris). Autrement dit, le changement climatique anthropique en Europe est en cause dans plus des deux tiers de l’ensemble des décès (24 400) liés à la chaleur cet été. Et ceci n’est qu'un aperçu puisque les villes étudiées ne représentent qu’un tiers de la population européenne…
Selon Santé publique France, au moins 280 décès en excès toutes causes confondues (+ 4,7 %) ont été estimés durant la deuxième canicule de l’été, qui a concerné 41 départements, soit 40 % de la population de France hexagonale. Le changement climatique anthropique devient donc un déterminant majeur de notre bonne santé.
Double peine pour les femmes
Évidemment, la chaleur extrême ne touche pas tout le monde de la même façon. La mortalité en excès en France n’a été observée que chez les personnes âgées de 75 ans et plus, ce qui montre à quel point les hausses des températures deviendront de plus en plus meurtrières pour notre population européenne vieillissante.
Le changement climatique anthropique devient un déterminant majeur de notre bonne santé
Comme souvent, les conséquences de la crise climatique ne sont pas neutres vis-à-vis du sexe et du genre. Partout dans le monde, les femmes subissent davantage les catastrophes climatiques. Dans les pays à revenus faible et intermédiaire, elles ploient sous le fardeau des insécurités hydrique ou alimentaire, de troubles de la santé mentale ou des charges familiales, et disposent de moins de ressources pour se rétablir. Et, en France comme ailleurs, l’exposition à la chaleur extrême en cours de grossesse est associée à un risque accru de prématurité et à une diminution du poids de naissance. Les nouveau-nés sont également particulièrement vulnérables.
Stress thermique au travail
Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), plus de 2,4 milliards de personnes dans le monde sont exposées à une chaleur extrême sur leur lieu de travail, soit 71 % de la population active. En France, depuis le 1er juillet 2025, de nouvelles obligations incombent à l'employeur en cas de chaleur extrême, comme l’adaptation de l'organisation et des lieux et postes de travail ou la mise en œuvre de moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire…
Le changement climatique anthropique est un « tueur silencieux ». La majorité des décès qui lui sont liés ne sont pas signalés, tandis que les chiffres officiels sont publiés avec délai, quand ils sont publiés…
Prioriser la santé des Français dans l’action climatique devient un impératif et les professionnels de santé ont un rôle de premier plan à jouer. Formons-nous, questionnons et éduquons nos patients, informons les décideurs publics, bref, efforçons-nous, individuellement ou par l'intermédiaire de sociétés savantes et d’associations, d’influencer la réponse sociétale au changement climatique. Les politiques pour protéger la population de la chaleur sont nécessaires mais l'élimination progressive des combustibles fossiles est le moyen le plus efficace pour limiter, à terme, la survenue d’étés encore plus meurtriers. Le premier rapport annuel du Lancet Countdown en 2016 estimait que le changement climatique anthropique risquait d’anéantir tous les progrès en santé publique du dernier demi-siècle. Il représente pourtant une formidable opportunité d'améliorer la santé globale des populations. Alors, on s’y met tous ?
Bio
Gynécologue et endocrinologue de formation, Catherine Azoulay a été clinicienne pendant plus de trente ans et chef de projet en institution publique. Elle a créé puis coordonné pendant onze ans la revue spécialisée Réflexions en gynécologie-obstétrique et a exercé en industrie pharmaceutique santé de la femme. Membre du comité éthique et scientifique du collectif Femmes de santé, elle exerce actuellement une action associative au sein du cercle thématique Santé des Shifters.
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