Outre les problèmes liés à la pénurie de professionnels de santé, les médecins libéraux doivent faire à un autre écueil : les appels incessants des pharmaciens qui les informent du manque de certains médicaments.
Ce qui est quelque peu agaçant, pour nous les libéraux, c’est de voir que nous ne sommes pas réellement informés en temps et en heure en ce qui concerne cette pénurie par les cellules gouvernementales dédiées à cette situation.
En conséquence nos prescriptions doivent être très fréquemment modifiées du fait d’une absence de disponibilité en rayon chez le pharmacien d’antibiotiques, de paracétamol, de certains antidiabétiques…
Cette situation majore le retard dans la prise en charge de certains patients (on est parfois prévenu quelques jours plus tard de la non-délivrance de ces médicaments pour autant essentiels), et nous fait perdre notre temps qui est actuellement très précieux.
Notre ministre de tutelle est très rassurant car il nous explique que cette situation va rapidement s’améliorer, sans toutefois donner un calendrier précis concernant la disponibilité des traitements manquants.
Une réalité que nous devrions mieux connaître !
En regardant de plus près, et en reprenant certains articles de journalistes très à la pointe des questions médicoéconomiques, nous avons un son de cloche qui n’est pas très rassurant.
En effet, nous apprenons que le prix des médicaments en France est un des plus faibles de toute l’Europe, ce qui peut expliquer le manque d’attractivité dans le domaine pharmaceutique de la part des grands groupes en charge de la mise à disposition des médicaments.
Si nous nous intéressons à un médicament que de nombreux Français utilisent et consomment régulièrement (médicament actuellement très contingenté) : le Doliprane ou Dafalgan, son prix (il n’est plus indiqué sur les boîtes) pour huit comprimés est de 2,18 € (prix d’une baguette et demie chez notre boulanger).
En fixant de manière très autoritaire ce prix, quelle est la marge du fabricant et du distributeur ? Elle est très faible, voir nulle.
Comment voulez-vous qu’un tel marché puisse être prospère, et motive les grands groupes pharmaceutiques ?
Le plus curieux dans cette histoire, c’est de voir que le gouvernement parle d’un déficit en matières premières à l’origine de la pénurie sur le sol français.
Il ne faut pas oublier qu’en exerçant à la frontière avec l’Espagne mes patients ont toutes les facilités pour trouver du paracétamol à un prix plus élevé qu’en France. Néanmoins, même s’ils sont contraints de payer plus, ils n’ont pas de restrictions sur la quantité demandée.
Aussi l’argument d’une difficulté d’approvisionnement en matières premières n’est pas réellement juste, car en mettant la main à la poche on arrive plus facilement à résoudre cette équation.
La relocalisation de la production est-elle la solution ?
Tout aussi étonnant est la déclaration de l’exécutif qui souhaite résoudre cette problématique de pénurie en relocalisant les unités de production de paracétamol en France. L’idée est tout à fait louable, et favoriserait de ce fait une plus grande disponibilité de cette molécule.
Cependant dans ce cas il va falloir accepter, compte tenu du coût de la main-d’œuvre dans notre pays, une importante majoration du prix de la boîte de Dafalgan ou de Doliprane.
Il y a quelques années un laboratoire pharmaceutique avait vanté auprès des médecins les qualités d’une molécule pour traiter le diabète qui allait être mis sur le marché très prochainement : la dapaglifozine. Malheureusement cette molécule a été commercialisée avec un retard de plusieurs années par rapport aux autres pays du monde, cela alors que les endocrinologues vantaient le mérite de ce traitement dans le domaine de la diabétologie. Actuellement il fait l’unanimité, et les chercheurs ont trouvé un intérêt majeur de ce traitement dans l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale.
Nos décideurs sont-ils prêts à accepter le fait que le coût des médicaments doit être mieux pris en compte, cela pour assurer une qualité des soins optimaux des Français ?
Est-il raisonnable de brader notre industrie pharmaceutique au profit d’un financement d’une administration ventripotente au sein de nos établissements hospitaliers ?
« La maladie ne se guérit pas en prononçant le nom du médicament, mais en prenant le médicament », disait Thomas Sankara.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans « Le Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à aurelie.dureuil@gpsante.fr .
Médecin généraliste à Banyuls-sur-mer (66)
C’est vous qui le dites
« Majorer les tarifs dans les déserts ? Il faut arrêter avec ces carottes »
Éditorial
Alerte aux déficits !
Débat
Faut-il réguler l’installation des seuls médecins en secteur 2 ?
Enquête flash : les médecins prêts à la grève pour la liberté d’installation