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Dossier

Congrès de la SFD

Rétinopathie, ces diabétiques qu'il faut avoir à l'œil

Par Hélène Joubert - Publié le 15/04/2016
Rétinopathie, ces diabétiques qu'il faut avoir à l'œil

rétinopathie diabétique
GARO/PHANIE

Un quart des diabétiques est concerné par la rétinopathie. Lors du congrès annuel de la Société francophone du diabète, le problème de l’aggravation de cette rétinopathie, à la suite de situations à risque, et les moyens d’y faire face ont été évoqués.

Lors du congrès annuel de la SFD (22-25 mars 2016, Lyon), il a été souligné qu’un quart à un tiers des diabétiques est concerné par la rétinopathie diabétique (RD), 1re cause de cécité avant l’âge de 60 ans et cause importante de malvoyance.

En l’absence de traitement spécifique, la baisse visuelle est liée soit à un œdème maculaire (OMD), soit à une complication de la rétinopathie proliférante (hémorragie intravitréenne, décollement de la rétine ou glaucome néovasculaire). À côté de l’ancienneté du diabète, principal déterminant de l’apparition d’une RD, deux facteurs de risque modifiables coexistent : le contrôle glycémique, et le contrôle tensionnel avec un objectif proche de 130/80 mmHg.

« Un taux d’HbA1c stabilisé proche de 7 %, dès la découverte du diabète, est bénéfique à tous les stades du développement et de la progression de la RD , commente le Dr Sylvie Feldman-Billard, diabétologue au Centre Hospitalier National d'Ophtalmologie des Quinze-Vingts (Paris) et co-coordinatrice du Référentiel 2016 de la Société francophone du diabète. Le contrôle glycémique favorise même la régression de la RD au stade précoce. Cela signifie que lorsque la RD non proliférante est minime, voire modérée, il est encore possible de revenir en arrière. D’où l’instauration de thérapeutiques anti-hyperglycémiantes en vue d’une normalisation glycémique qui peut être rapide. Mais la vigilance est de mise car la normalisation glycémique rapide (en moins de trois mois) induit un risque d’aggravation de la RD chez 10 à 20 % des patients, d’autant plus que le diabète est ancien, déséquilibré et la RD sévère ».

Attention à l’amélioration glycémique rapide


Cette progression de la rétinopathie est précoce, survenant dans les 3 à 6 mois suivant l’amélioration glycémique. Si elle n’est pas trop préoccupante car souvent transitoire et limitée en l’absence de RD préexistante ou en cas de RD non proliférante minime, encore faut-il que la surveillance et la mise en place de thérapeutiques ophtalmologiques soient adaptées. « En revanche, souligne Sylvie Feldman, la situation est tout autre lorsque la RD est déjà présente au moment de la normalisation glycémique rapide. Le risque de lésions rétiniennes irréversibles (cécité) est alors majeur ».

D’autres situations cliniques au cours desquelles la chute glycémique est rapide sont à risque vis-à-vis de la rétinopathie, comme la mise sous pompe à insuline des jeunes diabétiques de type 1, l’initiation de l’insulinothérapie chez un diabète de type 2 déséquilibré, mais aussi après une greffe pancréatique d’îlots de Langerhans ou une chirurgie bariatrique. Cette dernière est une situation de plus en plus fréquente qui exige la réalisation d’un fond d’œil avant et après l’intervention.

« Il n’existe cependant aucune preuve que contrôler la vitesse ou l’amplitude de diminution de l’Hba1c limiterait ce risque d’aggravation de la RD et aucun rythme de décroissance ne peut être conseillé, reconnaît Sylvie Feldman. L’attitude à adopter est la suivante : adresser le patient à l’ophtalmologiste  pour des photographies du fond d’œil à l’aide d’un rétinographe non mydriatique avant toute intensification rapide ou situation induisant une baisse rapide de la glycémie ».

La photocoagulation panrétinienne est le gold standard


Si la RD est proliférante ou non proliférante, mais sévère, l’ophtalmologiste réalisera de toute urgence une photocoagulation panrétinienne, désormais le gold standard du traitement des complications de la RD proliférante. Le rythme de surveillance doit être trimestriel pendant 12 mois suivant la normalisation glycémique, d’autant que le diabète est déséquilibré, ancien et la RD déjà évoluée.

Outre la normalisation glycémique rapide, plusieurs situations exposent au risque d’aggravation rapide d’une RD. La grossesse en est une, d’où un contrôle glycémique et un dépistage de la RD indispensables avant la conception puis une surveillance trimestrielle. « Une RD non proliférante sévère ou proliférante est une contre-indication temporaire à une grossesse. Une rétinopathie préexistante à la conception, une HTA, une néphropathie, un diabète ancien, une baisse de l’HbA1c au 1er trimestre quel que soit le taux d’HbA1c au moment de la conception obligent également à un suivi ophtalmologique mensuel », précise le Dr Feldman.

La puberté et l’adolescence constituent aussi des périodes à haut risque d’évolution rapide de la RD, du fait de la sécrétion des facteurs de croissance et des hormones sexuelles ainsi que de l’absence fréquente de compliance thérapeutique. Le risque, à cet âge, de rétinopathie floride (forme particulièrement grave et évolutive) est non négligeable, d’où la nécessité d’une surveillance renforcée tous les semestres, d’autant plus qu’il existe déjà des signes de RD.

Enfin, au décours d’une chirurgie de la cataracte, une RD peut s’aggraver, d’où l’obligation d’une normalisation glycémique préalable et plus largement d’une normalisation des autres facteurs systémiques (tels que la pression artérielle. artérielle).

Hélène Joubert