Décision Santé. Comment se présente la campagne tarifaire 2016 ? Jusqu'à présent tout va bien ?
Ségolène Benhamou. Tout va mal. Les volumes prévisionnels, le plan d'économies qui concerne tous les établissements, et enfin le régime de défaveur dont sont gratifiées les cliniques à savoir la récupération des allégements pourtant accordés à toutes les entreprises.
Concernant le volume prévisionnel, nous avons rappelé aux autorités de tutelle que le secteur privé MCO est en sous-exécution depuis deux ans, ce qui représente un montant de 160 millions d'euros non dépensés pour cette période. À ce stade, un volume prévisionnel de 1,5 % correspond à la réalité. Lorsqu'on établit un volume prévisionnel à 2 % au lieu de 1,5 %, c'est comme si l’on nous infligeait une baisse tarifaire supplémentaire de 0,5 %. C'est bien sûr inacceptable. De plus, nous sommes soumis au régime « ceinture et bretelles ».
En plus du volume prévisionnel, il y a le coefficient prudentiel. Pourquoi nous impose-t-on cette double peine ? Avec ce dispositif, on pourrait nous octroyer un volume prévisionnel à 1,5 %, quitte à augmenter le coefficient prudentiel. Nous sommes prêts à faire les comptes en fin d'année. Mais à ce niveau, nous n'avons pas les arbitrages.
D. S. Avez-vous davantage d'informations sur le plan d'économies ?
S. B. Il a doublé par rapport à l'année dernière, notamment sur la chirurgie. Là encore on demande de la cohérence. Le virage ambulatoire est décrit comme une priorité. L'année dernière, l'essentiel de l'effort avait été réalisé sur la chirurgie conventionnelle. Cela ne devrait pas être le cas cette année. Or nous sommes entrés dans une nouvelle phase de développement de la chirurgie ambulatoire, beaucoup plus lourde. Cependant, toutes les études de coûts ont été réalisées sur des organisations plus simples et ne sont plus d’actualité. De plus, le privé MCO est en avance dans ce domaine. Nous avons mis en place des organisations qui génèrent des surcoûts comme les postes d’infirmières coordinatrices, et n'ont jamais été revalorisés. Autre contrainte, à chaque reconversion de structure de chirurgie conventionnelle en chirurgie ambulatoire, nous avons des frais temporaires à absorber. Cela ne sera jamais si performant que d’édifier un bâtiment dédié à la chirurgie ambulatoire. On connaîtra les arbitrages entre les deux types de chirurgie seulement le 1er mars. Nous sommes certes consultés, mais ce type de discussion ne relève pas de la négociation.
Quant au troisième volet concernant les allègements CICE, ils ont été récupérés sur les tarifs des cliniques. Même sanction l’année dernière pour ceux issus du Pacte de responsabilité. La méthode nous surprend d’autant plus que la FHP s’est engagée avec les syndicats au recrutement de 5 000 nouveaux agents si les allègements du Pacte sont maintenus. On nous prive de ce levier. Nous sommes le seul secteur en France à ne pas bénéficier de ces baisses de charges. Enfin, est-il nécessaire de rappeler le caractère invraisemblable de l’annonce des tarifs au 1er mars ? Ce manque de lisibilité nous est très préjudiciable. D’autant qu’aucun d’entre nous n’avait imaginé un tel niveau de baisse en 2015.
D. S. La situation en obstétrique dans vos établissements est très délicate.
S. B. On observe au niveau national une chute des naissances. Pour autant, la baisse est plus marquée dans le secteur privé. On ne rouvre jamais une maternité qui a disparu. Les tutelles n’ont pas à ce jour pris la mesure de la gravité de la situation. Le laisser-faire conduit à l’expansion de ces maternités publiques de plus de 4 000 naissances. On peut regretter le défaut de communication de graduation des soins en périnatalité pour une meilleure orientation des futures mamans. Quant aux cliniques privées, elles sont soumises à un certain nombre de contraintes. Les obstétriciens doivent acquitter des primes d’assurance très élevées par exemple. Ce qui participe aux dépassements d’honoraires. À court terme, le libre choix des Françaises est menacé. Dans nos établissements, nous valorisons une prise en charge personnalisée. Aujourd’hui, dans 29 départements, il n’y a plus de maternité privée. Il y a donc urgence à lancer un plan Marshall pour l’obstétrique. Nous demandons une revalorisation tarifaire de l’obstétrique. Ce qui nous est accordé aujourd’hui est inférieur à notre coût de revient. L’allègement des normes constitue notre seconde revendication. Les décrets en vigueur imposent des cloisonnements inefficaces entre les salles de travail et les suites de couches par exemple. La concurrence est déloyale avec les maternités publiques où les chambres particulières sont parfois offertes …
D. S. Vous dénoncez les discriminations pratiquées par certaines ARS à l’encontre des cliniques. Disposez-vous d’un état des lieux ?
S. B. Très clairement, le premier point de discrimination repose sur l’attribution des subventions MIGAC et FIR. C’est à la main des ARS, même s’il existe des subventions fléchées. Le montant de cette enveloppe est supérieur au montant T2A généré en MCO. Ces montants sont considérables. Or, il y a une très grande opacité dans l’attribution de ces subventions. En Île-de-France par exemple, l’ARS a été poussée par la fédération régionale à clarifier la situation, mais il est difficile d’obtenir les informations. On constate dans de nombreuses ARS un défaut de justification des conditions d’attribution. Nous avons incité nos fédérations régionales à intenter des recours pour exiger davantage de transparence. Par ailleurs, nous conduisons une vaste étude afin notamment d’identifier les ARS qui justifient leurs décisions et celles qui n’appliquent pas la même transparence. Nous disposerons des résultats complets d’ici à deux mois.
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