Développer la télémédecine pour faire face aux déserts médicaux, une idée controversée et qui tarde à se mettre en place. Si elle existe ça et là dans des départements qui ont fait la démarche d’investir dans ce type d’équipement, sa pratique reste assez rare chez les généralistes. Certes, des expérimentations de télémédecine entre hôpitaux et médecins de ville ont déjà lieu dans neuf régions pilotes, ceci étant prévu dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2014 et renforcé par l’extension de ces tests à l’ensemble du territoire dans le PLFSS 2017. Mais la France reste une assez mauvaise élève en la matière en Europe, les pays nordiques, l’Espagne et le Portugal étant bien plus en avance.
L’un des enjeux de demain Pour le président de la Société française de télémédecine (SFT-Antel), le Pr Thierry Moulin, la télémédecine est l’un des enjeux de demain, notamment pour faire face à la pénurie de médecins dans les zones sous-dotées. Lors d’une conférence organisée le 16 novembre par la FHF, il se montrait convaincu : « La nouvelle génération de médecins devrait permettre de développer la télémédecine. C’est déjà le cas dans plusieurs maisons de santé. » Oui, mais voilà, le modèle économique de la télémédecine reste à ses prémices : « Ses gains d’efficience, principalement en termes de transport, n’ont pas encore été évalués, et la pratique est encore trop pénalisante financièrement », explique le directeur général de la FHF, David Gruson. Autre obstacle de taille, selon le Dr Pierre Simon, président de l’Association nationale de télémédecine, présent à l’invitation de la FHF, « les générations anciennes ont du mal à sortir de la médecine du XXe siècle. Avec les déserts médicaux, il va falloir accepter l’aide de la télémédecine. Et, pour la pratiquer, il faudra oublier la rémunération à l’acte et favoriser le paiement au forfait. C’est un changement que certains médecins ne sont pas toujours prêts à accepter. »
« Automatiser certaines tâches » Dans une autre spécialité, l’ophtalmologie, un modèle bien connu, s’est pourtant imposé comme efficace face à la pénurie de médecins. Il s’agit des centres Point Vision, qui regroupent ophtalmologues et paramédicaux, permettant d’assurer des délais de rendez-vous très courts. Son fondateur, le Dr François Pelen, était l’invité des derniers « Amphis de la santé », organisés par l’école Essec sur le thème « Quand le numérique transforme les cabinets médicaux ». Prise de rendez-vous sur Internet, compte-rendu automatisé… Il parle d’une « autonomisation du métier ». Il assure que ce modèle pourrait s’appliquer aux médecins généralistes, notamment ceux qui exercent regroupés dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, afin qu’ils se consacrent uniquement à la médecine, et que le temps passé avec le patient soit le plus efficient possible : « On peut déléguer certaines tâches à d’autres professionnels paramédicaux mais aussi aux secrétaires pour les tâches administratives avec l’aide de logiciels qui intégreraient le DMP. Le médecin peut également effectuer des prises en charge à distance en visioconférence avec une infirmière sur place dans les zones où il n’y a plus assez de médecins. »
Dans certaines villes, on teste même des cabines de télémédecine permettant une consultation en direct, en visioconférence, avec un généraliste. C’est le cas à Roanne (Loire), où une e-cabine est expérimentée depuis le mois de mars dans une pharmacie mutualiste du centre-ville, avec un accueil mitigé de la part de certains acteurs de santé. Reste à savoir avec quelle réglementation et quel financement la télémédecine pourra s’appliquer à la médecine pour répondre à grande échelle à la pénurie de généralistes.
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