« Un point de rupture majeur ». Les opposants au projet de loi sur la fin de vie s’opposent plus que jamais au texte tel qu’il a été modifié en commission spéciale, et qui sera examiné à partir du 27 mai en séance publique, dans l’hémicycle.
Samedi 18 mai, peu après minuit, les députés de la commission spéciale présidée par Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) ont approuvé à main levée le texte « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » au terme d'une intense semaine de débats. Si le collectif d’une vingtaine d’organisations soignantes* n’a cessé de dénoncer depuis des mois l’ouverture de l’aide à mourir, il entend cette fois « lancer l’alerte », accusant les députés d’« élargir l’accès à la mort provoquée », au-delà des recommandations du Comité consultatif national d’éthique et de la Convention citoyenne.
Extension des champs d’application
Les opposants au projet de loi dénoncent d’abord le remplacement du critère – ouvrant le droit à une aide à mourir - de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » par celui d’affection grave et incurable « en phase avancée ou terminale ». « On n'est plus du tout dans la même loi (...). Ce n'est pas l'équilibre qui a été souhaité », avait déjà regretté la présidente de la commission Agnès Firmin Le Bodo, qui a participé à la rédaction du projet de loi lorsqu'elle était ministre. Une position partagée par la rapporteure, Caroline Fiat (LFI), ou encore la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. « Cette extension ouvre la mort provoquée à un nombre indéfinissable de situations dont on a encore peine à mesurer l’ampleur et la diversité (insuffisance rénale, cancers, cirrhoses, insuffisances cardiaques ou respiratoires…) », craint le collectif de soignants.
Il pointe aussi l’adoption d’un amendement qui réécrit les modalités de recours à un tiers pour l’administration de la substance létale. L’article 5 définit ainsi l’aide active à mourir : « Autoriser et accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire. » Le recours à un tiers est ainsi conditionné à l’impuissance qu’a le patient à ingérer lui-même le produit.
Mais l’article 11 modifié** en commission spéciale fait de l’« euthanasie un choix et non une exception », interprète le collectif de soignants qui se fonde sur l’exposé des motifs de l’amendement (« le choix entre “euthanasie” et “suicide assisté” devrait incomber au malade et non au type de maladie »).
Une procédure simplifiée
Le collectif s’élève aussi contre l’ajout dans le projet de loi de la possibilité, pour une personne, « dans le cadre des directives anticipées, d’indiquer son choix individuel du type d’accompagnement pour une aide à mourir lorsque la personne perd conscience de manière irréversible ». « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » reste pourtant l’une des conditions d’accès à l’aide à mourir et les députés ont bien rejeté la possibilité pour les patients qui ne pourraient pas manifester leur volonté d'être euthanasiés sur la foi de leurs directives anticipées. Mais les opposants craignent « qu’un choix fait des années avant d’être malade et jamais révisé ne s’applique irrémédiablement ».
Enfin, le collectif déplore des modifications qui faciliteraient, à leurs yeux, la procédure, comme la possibilité qu’aurait le médecin de réduire ou supprimer le délai donné au requérant (2 jours dans le texte initial) pour confirmer sa demande, ou l’extension à 12 mois, plutôt que trois, du délai de validité d’une demande, sans qu’un nouveau contrôle de la « volonté libre et éclairée » ne soit nécessaire.
« Il reste à espérer que les députés, réunis en séance publique, comprennent que les alertes que nous émettons depuis 18 mois n’étaient pas inutilement alarmistes et reviennent sur des dispositions qui feraient porter de lourdes menaces sur les malades, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées », conclut le collectif de soignants.
*Association française des soins oncologiques de support (Afsos), Association nationale française des infirmier.e.s en pratiques avancées (Anfipa), Association pour la clarification du rôle du médecin dans les contextes de fin de vie (Claromed), Syndicat des médecins coordonnateurs, Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres - Confédération des syndicats médicaux français (SMCG – CSMF), Conseil national professionnel de gériatrie (CNPG), Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco-Ehpad), Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices (Ffidec), Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad), Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor), Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), Société française du cancer (SFC), Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), Syndicat national des généralistes et des gériatres intervenant en Ehpad (SNGIE), Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), Société française de soins palliatifs pédiatriques (2SPP), Unicancer soins palliatifs, Société médico-psychologique (SMP), Convergence infirmière
**Voici le texte de l’article 11 : « L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même. Si celle-ci a désigné une personne majeure qui a accepté cette responsabilité, l’administration est effectuée par cette personne sous le contrôle du professionnel de santé, sinon l’administration de la substance létale est réalisée par le professionnel de santé présent ».
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