« Un jour d’avril 2023, le Dr Yves Tallec, médecin généraliste à Voujeaucourt (Doubs), est venu me voir ennuyé. Il partait à la retraite dans 18 mois, et le médecin qui devait lui succéder lui faisait faux bond », se souvient le Dr Marcel Beuret, médecin généraliste à Montenois (commune située à quelques kilomètres), maître de stage et membre du comité d’administration de FeMaSCO-BFC (Fédération des maisons de santé et de l’exercice coordonné de Bourgogne Franche-Comté). « Dans notre région, trouver un successeur en 18 mois relève de l’impossible », souligne-t-il. Et, à quatre kilomètres de là, dans la commune de Bavans, une médecin a fait valoir ses droits à la retraite au 1er janvier 2024, et sa consœur qui ne veut pas exercer seule a rejoint une maison médicale à 15 kilomètres. Il ne reste donc plus que deux médecins dont le Dr Tallec et un confrère qui prendra sa retraite dans quatre ans. Des nouvelles dramatiques pour les habitants qui se trouvent déjà dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP).
Alerté par son confrère, le Dr Marcel Beuret, qui a encadré une thèse sur les déterminants de l’installation des jeunes générations, se penche sur le problème. Féru de ce sujet, ce maître de stage arrive à la conclusion que, si un déterminant est à retenir pour l’installation des jeunes, c’est l’opportunité. « Bien que relativement passifs, ils ressentent pourtant l’envie de s’installer. Et même s’ils ont du mal à se lancer, l’opportunité corrélée à une attente emporte leur adhésion », analyse le praticien. C’est ainsi que le cabinet éphémère de Voujeaucourt a vu le jour le 4 novembre, pour une période initiale de deux ans.
Un projet qui séduit
Le projet n’a pas été mis en place sans peine. En effet, le statut de cabinet éphémère doit remplir des obligations très strictes. Au nombre de celles-ci figure son rattachement obligatoire en tant que cabinet secondaire au cabinet d’un médecin déjà installé. De plus, les démarches administratives pour accueillir un médecin juste à sa sortie de thèse sont nombreuses. « Un aller-retour administratif entre l’Ordre et la Sécu est nécessaire… Celui-ci doit se faire avant l’obtention de la thèse et complique les démarches », renchérit l’omnipraticien.
Dans ce cabinet éphémère, ils seront trois avec un statut libéral. Le Dr Chékib Ainaoui, jeune médecin généraliste de 28 ans, a décidé de prendre part à l’aventure. Deux de ses confrères et consœurs doivent le rejoindre, l’un fin 2024, le second en juin 2025. Quand son maître de stage et initiateur du projet lui a proposé le poste, le jeune praticien n’a pas hésité. « Je suis originaire de Montbéliard. À terme, je souhaite installer mon cabinet dans la région. Ce projet m’a tout de suite plu ; cela me permet de mûrir et de rester dans la région. Et disposer d’un cabinet tout équipé constitue un avantage non négligeable ! » Le Dr Beuret estime que pour un jeune praticien c’est une aubaine. Cela lui permet d’avoir la chance de faire connaissance avec la patientèle et la région sans un engagement financier important.
Le jeune médecin a décidé de travailler quatre jours par semaine, de 8 h 00 à 12 h 00 et de 14 h 00 à 18 h 00 pour une durée de deux ans. Ces horaires lui tiennent à cœur car il souhaite garder « une hygiène de vie équilibrée entre vie privée et professionnelle. Mais il compte bien participer à la permanence des soins, une à deux fois par mois. Ces plages horaires lui permettent de voir 60 patients par semaine, ce qui n’est pas un luxe pour les 7 000 habitants « du coin », d’autant plus que des Dijonnais ont déjà annexé certains créneaux. Nous avons dû restreindre aux habitants dans un rayon de 7 kilomètres la possibilité de prendre un rendez-vous, et nous n’avons déjà plus de créneau accessible avant 1 mois », constate le Dr Ainaoui 15 jours après l’ouverture.
Ce cabinet éphémère pourra être pérennisé si les médecins actuels veulent rester, à condition d’effectuer certaines modifications. « Le cabinet comporte deux salles de consultation de 20 mètres carrés, mais la salle d’attente est petite. Il faudrait alors imaginer une salle pour un infirmier et une secrétaire médicale. Ce qui est tout à fait imaginable grâce à la structure foncière », conclut le Dr Beuret.
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