Déserts médicaux : les mesures urticantes de la PPL Garot qui braquent la profession

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Publié le 28/04/2025
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Si les articles 1 et 4 de la proposition de loi Garot – relatifs à la régulation de l’installation et à l’obligation de permanence des soins – sont des casus belli, plusieurs autres « irritants » figurent dans ce texte, tels que l’encadrement des remplacements et la suppression du dispositif du médecin traitant. Florilège.

Crédit photo : OLIVIER JUSZCZAK/SIPA

Une grève « illimitée » des médecins – jeunes et installés – a débuté ce lundi 28 octobre et elle sera suivie ce mardi par une manifestation nationale à Paris et dans plusieurs grandes villes. Malgré le plan Bayrou anti-déserts médicaux, la profession reste vent debout contre la proposition de loi (PPL) transpartisane portée par le député socialiste Guillaume Garot et qui reviendra à l’Assemblée nationale en début de semaine prochaine. En attendant l’issue du débat parlementaire, tour d’horizon des mesures qui irritent ou braquent le corps médical.

La disposition la plus emblématique, qui a concentré les critiques, est portée par l’article 1er qui introduit une régulation à l’installation des médecins généralistes et spécialistes (libéraux et salariés) dans les zones les mieux dotées. Une nouvelle installation serait ainsi conditionnée à une autorisation préalable de l’agence régionale de santé (ARS), uniquement délivrée lorsqu’un confrère « de la même spécialité » cesse son activité dans la même zone. Cette autorisation de l’ARS serait toujours délivrée de droit dans les territoires fragiles. Cet article, déjà adopté en première lecture contre l’avis du gouvernement, a exaspéré la profession pour qui il est absurde de vouloir contraindre une profession en situation de pénurie.

Le volontariat remis en cause

Autre mesure en forme d’épouvantail : l’article 4, qui rétablit l’obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour tous les médecins libéraux, mais aussi les praticiens salariés des centres de santé. « Depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins », plaide le texte, quand bien même le taux de volontariat des généralistes approche les 40 % et permet de couvrir 97 % des secteurs.

D’autres initiatives inquiètent les médecins. Un amendement au texte porté notamment par Josiane Corneloup (DR, Saône-et-Loire), vise à répartir équitablement la charge de PDSA entre établissements publics et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), quitte à changer les pratiques locales qui fonctionnent. « En s’appuyant sur les CPTS, les professionnels de santé libéraux organisent la PDSA », peut-on lire. De quoi provoquer la critique du Dr Marty, président de l’UFML-S, qui dénonce une initiative « faisant fi des coordinateurs de secteurs de garde, élus ou nommés par leurs pairs ».

Haro sur le médecin traitant

Un groupe de députés LR, mené par l’élu de l’Ardèche Fabrice Brun, a aussi irrité les généralistes et en particulier le syndicat MG France. Il propose la remise d'un rapport du gouvernement portant sur la « suppression du médecin traitant ou du médecin référent », dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Pour quoi faire ? « À l'heure où la désertification médicale nous oblige à refonder le contrat entre les médecins et les usagers, il est temps de trouver de nouvelles initiatives pour permettre à tous de pouvoir se soigner », défendent les élus. Autrement dit : puisque six millions de Français, dont 600 000 patients en ALD, n’ont pas accès à un médecin généraliste traitant, autant envisager d’abroger ce dispositif mis en place en 2004/2005. « Cela n’a aucun sens, s’étrangle le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat de généralistes. On n'a pas assez de médecins traitants, alors supprimons-le ? ! » Malgré la pénurie médicale, « 90 % des Français ont un généraliste traitant et 95 % des patients en ALD », corrige MG France. A contrario, un autre article du texte semble emporter une adhésion majoritaire : la suppression de la majoration des tarifs pour les patients privés de médecin traitant. Une façon de ne pas pénaliser les patients qui se retrouvent « hors parcours » de façon subie…

Limiter les remplacements à quatre ans ?

La droite toujours souhaite réguler les remplacements de médecins libéraux pour limiter leur durée à quatre ans, jugeant que ce mode d’activité prisé par les jeunes retarde inutilement certaines installations en ville. Si les remplacements « permettent de répondre à l’urgence de la situation dans les territoires les plus touchés par la désertification médicale », ce n’est pas « une solution pérenne », argumentent les députés dans leur exposé des motifs, préférant « inciter les médecins à exercer de façon permanente ». Là encore, L’UFML-S y voit un amendement « déconnecté de la réalité » puisque, de fait, la majorité des installations en médecine libérale ont lieu huit à dix ans après l’internat. En clair, une régulation du remplacement risque de décourager les jeunes de l’exercice libéral et de les pousser vers le salariat ou même une reconversion professionnelle, expliquent les détracteurs de cette mesure.

Interdire la revente des cabinets

Cinq députés socialistes, avec comme chef de file Élie Califer, portent un amendement d’expérimentation, pour trois ans et dans cinq départements, visant à « empêcher toute forme de commercialisation des autorisations d’exercice », sous contrôle d’un bureau dédié au sein des ARS. Les élus socialistes, qui veulent interdire aux médecins de réaliser toute transaction de vente de leur activité en zone bien pourvue (cession directe ou indirecte d’un praticien à un autre), s’appuient sur l’expérience mitigée des kinés. Celle-ci a pu avoir pour « contre-effet la création d’un “marché secondaire” via la cession onéreuse d’un numéro de conventionnement », développent-ils. À l’issue de l’expérimentation, le Parlement pourra se prononcer sur « la pertinence d’une généralisation » à l’ensemble du territoire, peut-on lire. « Un amendement absurde », tance la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF. Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), également à la tête de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS), y voit lui aussi « un non-sens ». « Les députés ont été mal conseillés ou mal orientés sur les problématiques juridiques », commente-t-il.

Dans sa première version (longue), la PPL Garot prévoyait la suppression progressive des dépassements d’honoraires du secteur 2 (hors Optam) pour limiter les inégalités d’accès aux soins. Rien ne dit qu’une nouvelle offensive interviendra sur ce terrain.

L’examen de la PPL Garot devrait reprendre à partir du 6 mai à l’Assemblée nationale, avec la promesse de débats tendus, sous surveillance de la profession. D’autant que le gouvernement proposera lui-même de nouveaux amendements pour décliner certaines mesures de son plan contre les déserts médicaux.


Source : lequotidiendumedecin.fr