C’est désormais monnaie courante chez Aurélien Rousseau. Tour à tour énarque, professeur d'histoire-géographie, conseiller d’État, directeur général de l’ARS Île-de-France, passé par les cabinets de trois Premiers ministres (Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Élisabeth Borne), l’actuel ministre de la Santé aime étonnamment s'exprimer dans un langage peu châtié. Lors du récent congrès de l'association des maires de France, cette marque de fabrique — peu usuelle à ce niveau de responsabilité — a souvent fait mouche auprès des élus de terrain. « Dès que des professionnels de santé ont un projet sur un territoire, on doit se démerder pour les suivre ! », a-t-il lancé devant un public attentif.
Aller au bout des compétences de chacun
Saisissant l'occasion de transformer son intervention ciblée sur l'accès aux soins en séance de câlinothérapie pour des élus désemparés par la désertification médicale, Aurélien Rousseau a ensuite reconnu avoir dit « une connerie » en assurant devant les cadres de la CSMF, début octobre, que l’accès direct aux paramédicaux était « un mirage ». Une volte-face très à propos devant les maires, soucieux d'améliorer l'accès aux soins par tous les moyens, à qui il explique désormais faire une distinction entre accès direct à un soignant sans prescription médicale préalable et partage de compétences, « deux sujets différents ».
« Il faut aller au bout des compétences de chacun », a-t-il insisté, illustrant son propos par le passage à l'échelle de la réalisation par les pharmaciens des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) pour la délivrance directe d'antibiotiques contre l’angine et la cystite, mesure prévue dans le budget de la Sécu (PLFSS) pour 2024.
Mains dans le cambouis
Cherchant décidément à montrer sa proximité avec les édiles, le ministre n'a pas manqué de rappeler sa qualité de conseiller municipal de la commune de moins de 5 000 âmes de Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard), au sud d’Alès. « Pendant deux ans, ma mère n’avait plus de médecin traitant », a-t-il confié. Avant que la région Occitanie ne finance un centre de santé en juin dernier.
Sujet majeur pour les maires, la pénurie médicale a fait l'objet d'un débat nourri entre le ministre et les élus, pour certains en colère et pour beaucoup démunis. « Il existe des géographies que nous ne comprenons pas, comme en Bretagne, où nombre d’hôpitaux souffrent », a-t-il concédé, face à une élue au bord des larmes des Côtes-d’Armor. Elle lui contait le décès d’un des résidents d’un Ehpad après un refus de prise en charge d’une crise d’épilepsie de la part du Samu, lequel estimait que l’infirmière de l’établissement pouvait s’en charger. « Nos populations ne comprennent pas ces absences de prise en charge, dignes d’un pays sous-développé », a-t-elle jeté.
Sous la pression de son auditoire, Aurélien Rousseau a tracé deux lignes rouges sur l’hôpital : « Je ne validerai jamais une fermeture de service ou d’hôpital pour des raisons financières. Mais je ne laisserai jamais ouvert un lieu si je n’acceptais pas que l’un de mes trois enfants s’y fasse soigner ». De l'art de concilier proximité et sécurité. Adhésion dans la salle…
Des stages dans les territoires
Autre dossier sensible : la régulation à l’installation des médecins de ville, citée par plusieurs maires, parfois franchement désespérés. Là aussi, le ministre s'est montré pédagogue. « Ce que je constate, c’est que les médecins ne s’installent que dans des endroits où ils sont passés. Il faut donc que les étudiants fassent des stages dans tous les territoires ! Ensuite, les médecins s’installent s’ils ne sont pas seuls, s’ils peuvent partager leur pratique avec d’autres professionnels de santé. » Avant d'étayer son argumentaire : « La coercition, ce serait plus simple. Nous pourrions dire que nous l’avons fait. Si je pensais que c’était un moyen efficace de résoudre le problème de la désertification médicale, je le défendrais ! Mais sous mes yeux, j’ai tellement d’exemples prouvant l’inverse, comme ce médecin à qui on a dit de prendre une garde et qui s’est cassé pour devenir agriculteur ! »
Le sujet de l'attractivité des métiers du soin est aussi sociétal, a-t-il constaté. « Plus personne ne veut faire 40 ans le même métier. C’est con, hein ! À un hosto que je visitais, j’ai appris qu’une infirmière s’est barrée pour être fleuriste… », a-t-il lancé, dans un langage… fleuri.
La niaque pour se battre
Plusieurs édiles se sont montrés néanmoins positifs, à l’instar de Nadine Grelet-Certenais, maire de La Flèche (Sarthe), soulignant les solutions qui fonctionnent pour l’accès aux soins, comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). La sienne, multisite, compte 40 blouses blanches ! Ou Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) qui a cité en exemple son centre municipal de santé où sont salariés cinq médecins généralistes et deux sages-femmes.
Jouant toujours la carte du terroir, Aurélien Rousseau a lui aussi tenu à être optimiste, saluant « la niaque pour se battre » des soignants ayant créé la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Bergerac (Dordogne). « Ce qui est certain, c'est que ça bouge beaucoup ! Il n’y a pas de place pour la fatalité », a-t-il défendu. Reste à vérifier si, au-delà des mots, aussi bien choisis que prometteurs, ses actions convaincront les élus de terrain.
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