Après Élisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier, c’est au tour de François Bayrou d’être aux manettes de Matignon. Il lui incombe la tâche délicate de façonner un gouvernement susceptible d’échapper à la censure des oppositions. À lui, aussi, de trouver un(e) ministre de la Santé, éventuellement flanqué(e) d’un ou plusieurs ministres délégué(e)s. Le Quotidien s’est prêté au petit jeu du pronostic politique.
Geneviève Darrieussecq : pour rompre avec l’instabilité, le choix de la continuité
Restera, restera pas ? La ministre de la Santé et de l’Accès aux soins démissionnaire, nommée il y a seulement trois mois, n’a pas le temps de tergiverser : elle est en première ligne pour gérer la crise dans l’archipel de Mayotte, ravagé par le passage du cyclone Chido. L’allergologue de formation accorde de nombreuses interviews, en attendant la fin des consultations du Premier ministre issu du même parti. Pendant son court passage à Ségur, entaché par une motion de censure contre le gouvernement Barnier sur le budget de la Sécu, elle a tenté – difficilement – d’imprimer sa marque, dans un contexte d’économies à réaliser : défense de l’aide médicale d’État (AME) contre son collègue de l’Intérieur Bruno Retailleau (LR), d’un grand plan pour la santé mentale ou de la prévention, via des taxes comportementales, etc. Femme de 68 ans à plusieurs casquettes, elle a, dans sa carrière politique, été maire de Mont-de Marsan (2008-2017), députée des Landes depuis 2017, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées (2017-2020), chargée du service de santé des armées, puis chargée de la mémoire et des anciens combattants (2020-2022) et ministre chargée des Personnes handicapées (2022-2023). « Je ne ferai pas de miracles, je ne suis pas une fée », avait déclaré Geneviève Darrieussecq lors de son discours de passation de pouvoir en septembre. La référente santé de François Bayrou pendant la campagne présidentielle 2012 n’a pas menti. Aura-t-elle droit à un sursis ?
Xavier Bertrand, le cador de la droite sociale, ami des libéraux
Son nom circule à chaque remaniement. Lui se verrait volontiers à Matignon ou à la tête d’un ministère régalien. Pourtant, pour pacifier un secteur de la santé en proie à des crises multiples, Emmanuel Macron et François Bayrou pourraient faire le choix d’un poids lourd politique, qui a déjà connu le job, capable de tenir la barre dans la tempête (peut-être aux manettes d’un super-ministère social). Très apprécié du secteur libéral, l’ancien agent d’assurances, actuel président de la région Hauts-de-France, a déjà été ministre de la Santé à deux reprises entre 2005 et 2007 sous Jacques Chirac (gouvernement de Dominique de Villepin) et entre 2010 et 2012 sous Nicolas Sarkozy (gouvernement de François Fillon). Son nom reste notamment associé à deux réformes importantes pour le monde de la santé : l’interdiction de fumer dans les lieux publics en 2006 et la création du médecin traitant en 2004 (déclinée dans la convention de 2005). Il est aussi en 2011 à l’origine de la loi de sécurité sanitaire, créée après le scandale du Mediator et qui réformera les agences sanitaires et la pharmacovigilance. Son passage avenue de Ségur fut marqué par un retour en grâce de la droite auprès du corps médical libéral, après la longue brouille du plan Juppé. Il a moins convaincu les hospitaliers qui l’accusent parfois d’avoir accéléré la fermeture de lits. Depuis, celui qui se définit comme « un gaulliste social, d'une droite sociale et populaire » a toujours gardé contact avec les milieux médicaux.
Jérôme Guedj : un socialiste spécialiste du médico-social
Énarque et inspecteur général des affaires sociales (Igas), le député socialiste de l’Essonne de 52 ans est un spécialiste du secteur médico-social. Technicien, jamais avare d’une joute verbale sur la réforme des Ehpad avec ses collègues députés, Jérôme Guedj a fait ses classes politiques auprès de Jean-Luc Mélenchon, dont il fut l’assistant parlementaire, et de Julien Dray, éminence grise de la gauche et ancien député de l’Essonne. Candidat malheureux cet automne à la présidence de la commission des Affaires sociales, qui lui a été chipée par l’ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux, il est fin connaisseur des méandres du budget de la Sécu (PLFSS) – il copréside la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale depuis deux ans. Défenseur des services publics et de l’accès aux soins pour tous, il devra, s’il est nommé à Ségur, convaincre les représentants de la médecine libérale, milieu qu’il connaît moins que le secteur hospitalier, de lui faire confiance. Sachant qu’il n’a jamais caché sa volonté d’encadrer davantage le secteur 2, le pari est loin d’être gagné. S’il entre au gouvernement, Jérôme Guedj a été prévenu par le patron du PS Olivier Faure : c’est l’exclusion du parti qui l’attend.
Philippe Vigier : un ancien ministre MoDem, qui connaît Mayotte et l’accès aux soins
L’éphémère ministre délégué chargé des Outre-mer (juillet 2023-janvier 2024), Philippe Vigier (MoDem) pourrait être la surprise du chef. Son expérience pourrait le propulser à la tête de Ségur, tandis que la crise à Mayotte ne fait que commencer. Alors ministre, il s’était rendu quatre fois dans le 101e département français, frappé par une sécheresse historique et en manque chronique d’eau potable. Hyperactif à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, il est député d’Eure-et-Loir depuis 2007 et a pris à bras-le-corps le sujet de l’accès aux soins, faisant partie du groupe transpartisan mené par Guillaume Garot (Parti socialiste), lequel pousse pour un conventionnement sélectif des médecins. Il est également l’ancien maire de Cloyes-sur-le-Loir (2001-2017). Biologiste, docteur en pharmacie et ancien interne des Hôpitaux de Paris, Philippe Vigier est aussi le directeur des laboratoires d'analyses médicales de Bonneval, Brou et Châteaudun depuis plus de 35 ans. Connaisseur invétéré des budgets de la Sécu, Philippe Vigier a défendu lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, au côté de son collègue Cyrille Isaac-Sibille, des taxes comportementales, dont certaines adoptées avec succès au Sénat. Ces derniers jours, l’élu de 66 ans et vice-président du MoDem a arpenté les plateaux télévisés pour défendre le président de son parti et désormais Premier ministre, François Bayrou, parlant de lui comme « l’homme de la situation ». En sera-t-il remercié ?
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