Beaucoup de choses ont changé autour des comportements, comme l’a notamment rappelé Thierry May, président du Corevih Lorraine-Champagne-Ardenne : « Le préservatif séduit de moins en moins et les messages de prévention sont moins entendus. » Pendant ce temps, « le dépistage reste encore souvent tardif et les 5 millions de tests réalisés chaque année ne suffisent pas à repérer les 30 000 personnes dont on estime qu’elles ignorent leur séropositivité », a résumé Laurence Boyer, coordinatrice du Corevih Lorraine-Champagne-Ardenne. En résulte le maintien du flot des nouvelles contaminations par le VIH et une recrudescence des IST en France.
Des comportements aux traitements
Comment répondre à ces nouvelles difficultés ? Beaucoup d’outils sont aujourd’hui disponibles. Et d’abord ceux du dépistage. « Les recommandations pour un dépistage systématique faites en 2010 n’ont pas marché et ont laissé la place à un dépistage large mais ciblé sur des populations et des circonstances à risque », a résumé le Pr May. Le dépistage par recours aux tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), « hors les murs » ou non, qui sont notamment portés par les CDAG et les Ciddist, a apporté un réel progrès. Mais « ils ne suffisent pas », a insisté Laurence Boyer. « D’où l’intérêt des autotests que le patient peut acheter à la pharmacie et réalisé lui-même. »
Le recours aux antirétroviraux comme méthode de prévention s’est lui étoffé : le Tasp (Treatment as Prevention), le traitement préventif de la transmission mère-enfant (PTME), la prophylaxie post-exposition (Pep) après exposition accidentelle, ont été complétés il y a quelques semaines par la Prep (prophylaxie pré-exposition) : cette approche, qui s’adresse aux personnes à fort risque d’infection par le VIH, consiste à encadrer les rapports sexuels par une prise de Truvada.
Messages et moyens
Avec un tel arsenal, les perspectives d’améliorer la prévention de l’infection par le VIH n’ont jamais été aussi élevées. Et pourtant, des questions perdurent : d’un côté, les futurs Cegidd devront fonctionner au mieux à moyens constants, alors qu’ils devront intégrer de nouvelles missions. « Dans ce contexte, a-t-on vraiment les moyens de rembourser la Prep à 6 000 euros par an ? », n’a pas hésité à interroger Cyril Coquet, médecin responsable du CDAG du CHU Reims. « Globalement, la Prep est une méthode coût-efficace pour une population compliante. Mais c’est vrai que son financement est un vrai choix de santé publique », a reconnu Christian Rabaud, chef du service de maladies infectieuses et tropicales au CHRU Nancy. Et dans la pratique, quel message apporter ? Certains médecins sont réticents à présenter la Prep comme une méthode de prévention 100 % efficace, craignant ainsi un décalage entre études cliniques et vie réelle. Les personnes souhaitant en bénéficier pourraient donc constater une discordance des messages qui lui sont délivrés par le corps médical, entre risque infime ou absent.
Sexologie et santé sexuelle
Autre point de vigilance pour les acteurs de la prévention : faire en sorte que l'existence de la PrEP et du TasP ne fasse paraître le préservatif comme inutile, malgré le risque lié aux autres IST. Le travail d’information et de sensibilisation est donc essentiel. En cela, l’approche Sophie Pilcer, sexologue au Corevih Lorraine-Champagne-Ardenne, a avancé l'intérêt de la consultation de sexologie comme partie intégrante de la prévention : « Avec la chronicisation du VIH, il faut travailler sur la gestion de la prise de risque tout en assurant la qualité de la sexualité. Les consultations permettent de retracer l’histoire des préférences sexuelles, le comportement sexuel, le désir, le plaisir... Elles permettent d’intégrer l’infection dans la sexualité et non plus de faire tourner la sexualité autour de l’infection. » Anne Strack, psychologue en santé sexuelle au CH Lunéville a complété : « Le dépistage est aussi un moment propice pour parler de la santé sexuelle et de la façon de prendre le risque en compte dans ses pratiques. » Avec l’intégration de la santé sexuelle dans les futurs Cegidd, ce pan de la prévention devrait se développer.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes