IVG : des députés recommandent d'allonger les délais d'accès et de supprimer la clause de conscience

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Publié le 18/09/2020

Crédit photo : GARO/PHANIE

Chaque année autour de 225 000 femmes a recours à l’IVG en France. Pour autant, d’après le Pr Yves Ville, chef de service de la maternité de l’hôpital Necker, « l’IVG apparaît en effet bien souvent comme simplement « tolérée » en France mais pas toujours garantie ». Dans un rapport parlementaire, adopté à l’unanimité mercredi par la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée, les co-rapporteures Marie-Noëlle Battistel (PS) et Cécile Muschotti (LREM) font 25 recommandations pour que l’accès à l’IVG ne soit pas « un parcours du combattant » en France.

Encore trop l'apanage d'une poignée de militants

« En France, la principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant », écrivent-elles en introduction. Elles rappellent les derniers chiffres de la Drees sur le sujet qui montrent qu’en 2018, 1 725 médecins (dont 56,6 % de gynécologues) et 248 sages-femmes ont réalisé des IVG en cabinet libéral. Elles représentent 25 % du total des IVG pratiquées. « Rapporté au nombre de praticiens installés en cabinet, cela représente 2,9 % des généralistes et gynécologues et 3,5 % des sages-femmes », précise le rapport. Pour les deux députées, améliorer l’accès à l’IVG passe donc notamment par une augmentation du nombre de praticiens qui réalisent cet acte. « Les pouvoirs publics ne peuvent se contenter de s’en remettre à la bonne volonté des praticiens et des établissements de santé pour qui cette activité relèverait davantage du bénévolat que d’une pratique médicale rémunérée à sa juste valeur », écrivent-elles avant de demander une revalorisation du forfait de prise en charge.

Une double clause de conscience inutile et préjudiciable

Mmes Battistel et Muschotti proposent également de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG. Un débat qui revient régulièrement lorsqu’il s’agit d’accès à l’IVG. Selon elles, « l’existence d’une double clause de conscience (…) conduit à faire de l’avortement un acte médical à part ». « Celle-ci n’apporte rien en ce qui concerne la liberté d’un professionnel de santé de pratiquer un acte médical, puisque ce droit lui est déjà reconnu par la clause générale. En revanche, elle contribue à faire de l’acte médical d’IVG un acte simplement toléré et non un droit à part entière, comme la loi le prévoit », poursuivent-elles. La double clause peut aussi conforter certains chefs de service défavorable à l’IVG à n’y affecter que peu de moyens et de personnels. Le rapport suggère donc également de « faire obligation à chaque service de gynécologie-obstétrique en hôpital public de proposer une offre d’IVG » et d’ « imposer à l'ensemble des hôpitaux publics d'assurer une prise en charge des IVG et de ne pas refuser les patientes dont la grossesse se situe en fin de délai légal ». « Les chefs de service de gynécologie-obstétrique ne doivent pas être autorisés à ne pas organiser cette offre, au motif qu’ils ne sont pas favorables à l’IVG », considèrent les rapporteures.

Former plus de professionnels

Afin de donner de réelles options aux patientes, elles veulent aussi étendre les compétences des sages-femmes en leur permettant de réaliser des IVG chirurgicales. Depuis 2016, elles ont déjà le droit de pratiquer des avortements par voie médicamenteuse, méthode privilégiée par les patientes dans deux tiers des cas. Le rapport constate également que les choix des femmes entre les trois techniques d’IVG sont souvent en réalité des choix par défaut guidés par un manque d’information et par des « réalités territoriales et médicales ». Il préconise donc d’intégrer dans la formation initiale et continue des praticiens pouvant réaliser des IVG, notamment les généralistes, une formation pratique aux techniques de l’IVG, afin de « développer et pérenniser leur accès sur l’ensemble du territoire ».

Allongement des délais

Les propositions du rapport portent aussi sur les délais d’IVG et leur allongement. Comme ce fut le cas pendant le confinement, une recommandation suggère l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville de cinq à sept semaines de grossesse, comme en milieu hospitalier. Pour l’IVG chirurgicale, la proposition est de porter de 12 à 14 semaines la limite légale. Les députées estiment en effet que 3 000 à 5 000 patientes seraient contraintes chaque année de se rendre à l'étranger, notamment en Espagne et aux Pays-Bas, afin d'avorter une fois les 12 semaines écoulées. Cette disposition, qui fait l'objet d'intenses débats éthiques et politiques, a déjà été rejetée à plusieurs reprises : en mai, le Sénat avait notamment refusé un allongement temporaire des délais d'IVG pendant la durée de la crise sanitaire.

Enfin, l’accès financier pour les patientes doit aussi être facilité avec la mise en place d’une exonération généralisée d’avance de frais pour toutes et plus seulement celles bénéficiant de l’AME ou la CMU-C comme actuellement.

Le rapport a été adopté à l’unanimité par la délégation et ses recommandations devraient rapidement faire l’objet d’une proposition de loi.


Source : lequotidiendumedecin.fr