La jeunesse française, en un seul vendredi noir, a (re)découvert le tragique de l’histoire. Visée, touchée au cœur, elle s’est relevée le jour d’après, pour les survivants, grandie, devenue adulte. Se regardant d’avant -garde, geek, ouverte sur le monde, elle s’est métamorphosée en arrière-garde, image revendiquée par Charles Péguy dans Notre jeunesse qui vient de faire l’objet d’une réédition*. Le grand polémiste se voyait en 1910 en dernier spécimen d’une génération défendant la République incarnée comme une mystique. À l’époque déjà, Péguy annonçait le monde moderne, « le monde de ceux qui font le malin, Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes ; des imbéciles. Comme nous. C’est-à dire : le monde de ceux qui ne croient en rien, pas même à l’athéisme, qui ne sacrifient à rien. Exactement le monde de ceux qui n’ont pas de mystique. Et qui s’en vantent ». Charles Péguy se trompait toutefois. Quatre ans plus tard, cette jeunesse française mobilisée pour la défense de la Nation était fauchée par le premier conflit mondial.
Un siècle après, une paille dans l’histoire de l’Humanité, le débat ressurgit de Paris à Wembley, de la place de la République à l'opéra de Sidney qui se drape en bleu, blanc, rouge. La haine portée à la pointe d’une kalachnikov se répand dans les rues de Paris. En riposte, la Marseillaise est entonnée à la manière d’un chant de ralliement pour une cause qui nous dépasse. La foi dans des valeurs anciennes nous fait rejoindre l’arrière-garde imaginée par Peguy. Même combat et même découverte pour les fans de rock ou les supporters de foot. Les passions dérisoires ne sont pas des armes contre la résurgence du mal. Les lendemains qui chantent ne sont pourtant pas pour demain.. Nul n’est à l’abri, protégé des secousses convulsives du monde. Depuis la nuit des temps, les hommes ont convoqué l’art pour comprendre. En vain le plus souvent. La bête immonde est toujours féconde. La semence change de nature voilà tout. Et annonce selon le mot de Walter Benjamin le retour de l’Histoire avec une grande hache...
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