Décidemment, le "virage ambulatoire" voulu par le gouvernement n'est pas si facile à négocier. Il y a un an, l'IGAS mettait en doute sa capacité à tenir ses objectifs en matière de développement de la chirurgie ambulatoire. Cette fois, c'est la Cour des Comptes qui estime que l'hospitalisation à domicile ne progresse pas assez. En 2013, les pouvoirs publics s'étaient fixés comme objectif un doublement d'ici à 2018 des part d'activité de l'hospitalisation à domicile (HAD), "la portant de 0,6% à 1,2% de l'ensemble des hospitalisations complètes", rappelle la Cour des comptes dans un rapport. Mais ces objectifs, "substantiellement inférieurs" à ce qui existe déjà dans d'autres pays, sont pourtant compromis, alertent les magistrats financiers, le rythme de progression globale de la HAD ayant eu tendance à "fortement ralentir" : après + 7,7 % en 2012 par rapport à 2011, le nombre de journées en HAD" a augmenté de 4,7 % en 2013, puis de seulement 1,9 % en 2014, constate le rapport.
Et si -comme mentionné par la FNEHAD- au cours des premiers mois de 2015, les entrées en HAD ont été plus dynamiques (+2,5% par rapport à 2014), cela reste insuffisant pour Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a été auditionné par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale. "Aujourd'hui, 18,5 patients par jour" sont concernés par l'HAD pour 100.000 habitants, soit "moins de 50% de l'objectif que les pouvoirs publics se sont assignés pour 2018", a-t-il souligné.
La Cour déplore que les disparités géographiques persistent avec des ARS qui jouent plus ou moins le jeu. Ainsi, la HAD progresse dans le Languedoc-Roussillon, la Champagne-Ardenne, mais elle ralentit en Basse-Normandie et en Ile-de-France, et diminue même en Alsace et en Haute-Normandie.
Les médecins ne la prescrivent pas assez, selon la Cour des Comptes, qui pointe notamment le faible engouement des médecins généralistes, "frein majeur à son essor", alors que la prescription d'HAD par le médecin traitant est autorisée depuis 1992. Les prescriptions des généralistes ont même diminué ces dernières années, puisqu'elles représentaient 29,6 % des prescriptions totales d’HAD en 2012, contre 39 % en 2007 et ne sont que faiblement remontées entre 2012 et 2014 pour atteindre 30,2 % : "la majorité des admissions se faisant toujours à partir de services d’hospitalisation conventionnelle en court séjour", selon la Cour. Elle relève néanmoins dans certaines régions "des taux admission à partir du domicile sensiblement plus élevés" : ce serait le cas en Champagne-Ardenne, mais aussi en Paca avec un record en Limousin (70% des prescriptions).
Le rapport évoque des freins multiples pour expliquer cet état de fait : défaut d'information des médecins traitants, mais aussi contraintes de coordination pour eux dans le cadre de l'HAD, notamment en cancérologie, soins palliatifs ou pédiatrie. "Les médecins prescripteurs d'HAD sont souvent satisfaits du dispositif, mais le trouvent très contraignant, coûteux en temps." Aux yeux des généralistes, le dispositif serait aussi insuffisamment réactif, note le rapport, selon lequel "la prescription d’une HAD pour éviter de recourir à une hospitalisation conventionnelle devrait pouvoir se traduire par une admission dans la journée, ce qui n’est que rarement le cas." Enfin entre les lignes, les magistrats de la rue Cambon concèdent que les tarifs conventionnels ne sont probablement pas à la hauteur pour rémunérer la coordination du généraliste.
Comment faire décoller l'HAD dans ces conditions ? La Cour des comptes suggère de davantage intégrer l'HAD dans la formation des généralistes avec si possible stages étudiants dans les organismes d'hospitalisation à domicile. Pour alléger la tâche du généraliste, son rapport plaide aussi pour un élargissement du rôle du médecin coordinateur d'HAD, y compris en matière de prescription. D'une manière plus générale, la Cour des Comptes recommande enfin de "mener à son terme l'élaboration des référentiels d'activité de l'HAD" pour mieux cibler le type de pathologies pour lesquelles elle s'avère la plus efficace, mais aussi de recomposer fortement l'offre de soins en HAD "par regroupement de petites structures".
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