L’idée a resurgi à l’occasion des discussions sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025). Et le texte final, à ce stade, reprend bien une mesure de pénalité autorisant les médecins libéraux (et les établissements de santé) à « sanctionner les rendez-vous médicaux non honorés, dans le but de responsabiliser les assurés », autrement dit la fameuse taxe lapin. Il s’agit selon la ministre Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités, Familles) d’une « question de responsabilité », un rendez-vous non honoré étant « une perte de chance pour un autre patient », soit « du gâchis ».
Concrètement, si la mesure est définitivement adoptée, et passe le barrage du Conseil constitutionnel, il sera possible d’exiger du patient « le paiement d’une pénalité », lorsqu’il ne se présente pas à son rendez-vous ou l’annule sans respecter un « délai raisonnable » avant la consultation et sans le justifier d’un motif impérieux. Le montant de cette somme et les modalités d’application devront être fixés par décret.
Cinq euros pour un rendez-vous manqué ?
L’ex-Premier ministre éphémère Gabriel Attal avait proposé, quand il défendait lui-même cette mesure, que les patients n’ayant pas annulé leur rendez-vous au moins 24 heures à l’avance, s’acquittent d’un montant de cinq euros, intégralement reversés au professionnel de santé, à son appréciation. Le Premier ministre espérait « libérer des millions de créneaux chez les médecins généralistes ». L’utilisation de l’empreinte bancaire avait été évoquée, ce qui avait fait polémique.
Délicate, complexe à appliquer, la mise en place d’une taxe sur les rendez-vous non honorés continue de diviser au sein de la profession, comme l’illustre un débat sur le sujet organisé sur le site du Quotidien, auquel des dizaines de médecins ont répondu.
Certains se montrent favorables à cette pénalité, mais avec des arguments différents. Pascale G, par exemple, appelle à ce que « la taxe soit suffisamment élevée pour être dissuasive », soit à hauteur « du tarif de la consultation perdue par le médecin » et dont le paiement lui reviendrait. Même idée du côté de Thierry D_40, qui trouve les cinq euros de pénalité « complètement ridicules », surtout « moins les charges et les paiements de son imposition : il reste un à deux euros »… Il estime que l’amende devrait être de « minimum 30 euros », soit le tarif de la consultation de référence.
D’autres ont déjà une méthode en tête, comme Marc L_12, estimant qu’il faut « faire régler une petite partie de la consultation en amont avant le rendez-vous, non remboursable si le patient ne se présente pas sans prévenir, et déduite de la consultation si elle est honorée ».
Un « délit » plutôt qu’une « taxe »
Dans la même veine, le commentaire de Jean Marc J semble avoir emporté une large adhésion, avec près de 30 « j’aime ». Il considère que parler de « taxe » lapin est une « erreur » et appelle à requalifier les abus des patients indélicats en « délit ». Ainsi, développe-t-il, « dans le contexte actuel de pénurie de médecins, gâcher un rendez-vous devrait être sanctionné par une amende », au même titre que se garer sur une place réservée aux personnes en situation de handicap. Celle-ci devrait être collectée à ses yeux par le gouvernement, à hauteur de 35 euros pour la première fois, puis 135 euros en cas de récidive. Pascal B n’est pas opposé au principe d’une pénalité, mais affirme que « ce n’est pas à nous, médecins, de faire la police, mais aux pouvoirs publics ».
Si certains praticiens internautes sont d’accord sur le principe d’une taxation des patients, d’autres envisagent de sanctionner aussi les médecins qui refusent ou reportent leurs rendez-vous. Et ce « dans des délais inadmissibles, qui obligent les patients à surcharger les services d’urgence ou à se diriger vers des confrères, qui travaillent plus de 35 heures par semaine et ne ferment pas leur cabinet dès 17 heures », comme le développe Patrick M_37.
Les plateformes numériques de prise de rendez-vous sont mentionnées également par Pacha01, qui les accuse de ne rien faire (ou pas suffisamment) pour lutter contre ce phénomène, notamment en autorisant « des prises multiples de rendez-vous dans la même spécialité, avec les mêmes identifiants » et en « poussant les patients annulant au dernier moment à reprendre rendez-vous ».
Lapins utiles pour compléter l’agenda
D’autres médecins, à l’inverse, sont opposés à toute forme de pénalité, à l’instar de Nevada24, qui voit dans les rendez-vous non honorés une manière de « rattraper le retard : coup de fil aux confrères, courriers, paperasses diverses et de finir moins tard le soir ! » Plusieurs médecins commentent sur le site du Quotidien en ce sens, comme Jean Roger W : « Si tous les patients venaient, je ne finirais jamais à une heure décente », glisse-t-il.
Ce dernier explique dans son commentaire la complexité de la gestion des délais en ville. « En traumatologie : tout n'est pas grave, et le rendez-vous pris à quinze jours n'a plus de sens si le patient n'a plus mal. En médecine générale, on doit voir aussi des patients qui prennent rendez-vous à sept jours, pour un rhume et qui viennent même s'ils sont guéris. »
Les récidivistes, sauf motif valable, sont virés définitivement »
Un médecin internaute sur le site lequotidiendumedecin.fr
Jean-Michel A ne veut pas que l’État s’immisce dans la relation entre patient et médecin. Serpenther non plus, argumentant que « les lapins ne sont pas un problème médical mais d’éducation et de respect, à chaque praticien le droit de se faire respecter comme il veut », que ce soit en faisant payer la consultation non honorée au prix qui lui semble le plus adapté ou même « en virant le patient si c’est trop fréquent ».
C’est en somme ce que défend aussi Bernard P_88 : « Les récidivistes, sauf motif valable, sont virés définitivement ». Une solution qu’il estime « beaucoup plus dissuasive qu’une pénalité dérisoire que les AME et CSS ne payeront pas », explique-t-il. En 40 années de carrière libérale et hospitalière, Jean-Luc L_3 explique que sa règle, affichée dans sa salle d’attente, a fonctionné, à savoir, « tout patient non venu deux fois à son rendez-vous était définitivement exclu de ma patientèle au cabinet ». Le patient devait alors le voir à l’hôpital.
Opposée à la taxe lapin, Élisabeth B_4 estime ne pas être « perceptrice du Trésor public », indiquant ainsi que « les adeptes des lapins n’auront qu’à trouver un nouveau médecin traitant dans mon désert médical, bon courage ! » Daniel C exprime de son côté que son patient indélicat était prié de venir lors de ses plages de consultations sans rendez-vous « ou de changer de médecin si cela ne lui convenait pas ».
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