À Ségur, un locataire chasse l’autre… L’année 2024 commença avec Agnès Firmin Le Bodo, éphémère ministre intérimaire de la Santé et de la Prévention, après la démission avec fracas d’Aurélien Rousseau, opposé au contenu du projet de loi immigration fin 2023. Avant que l’ancienne pharmacienne ne soit épinglée pour avoir accepté des cadeaux illégaux d’Urgo sans les déclarer, rendant son avenir au ministère fragile…
Le 11 janvier, remaniement : Gabriel Attal, étoile montante de la macronie, devient Premier ministre. Catherine Vautrin, qui incarne l’ancrage territorial, est propulsée à la tête d’un « super-ministère » du Travail, de la Santé et des Solidarités, avec pour l’épauler l’ancien patron de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Une nomination qui fait grincer les dents des libéraux même si, après quelques semaines de protestation, ces derniers se font à l’idée de composer avec l’ancien maire de Fontainebleau.
En début d’année, certains dossiers avancent néanmoins. Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, les sénateurs et députés réunis en Congrès font inscrire dans la Constitution la liberté de recourir à l’lVG, la France devenant le premier pays dans le monde à assurer cette reconnaissance dans sa loi fondamentale. Le même mois, la Cnam se félicite d’avoir détecté et stoppé 466 millions de fraudes à l’Assurance-maladie, un record, et affiche sa détermination à aller plus loin. En mars, le Congrès de la médecine générale est un succès et donne l’occasion à certains élus, à l’instar de Valérie Pécresse (LR), de se positionner pour la valorisation rapide de la médecine libérale. Pendant ce temps, les négociations conventionnelles, reparties sur de meilleures bases, font l’objet d’âpres tractations. Elles aboutiront à la signature de la convention médicale, le 4 juin, avec l’augmentation emblématique de la consultation à 30 euros pour décembre 2024 (lire pages 10 et 11).
Affaires courantes expédiées
Les élections européennes de juin vont marquer le début d’une longue séquence de tempête politique, source d’instabilité majeure, qui freine voire stoppe l’avancée de nombreux dossiers. Dans la foulée de la victoire du RN, Emmanuel Macron provoque une dissolution surprise de l’Assemblée et convoque des législatives dans un délai express. Fin juillet, la majorité sortante se trouve en minorité, derrière l’union de la gauche (le Nouveau Front populaire) et le RN : la tripartition inédite de l’Assemblée nationale rend les compromis nécessaires mais très incertains. Le secteur de la santé est plongé dans le flou, nombre de réformes ou projets sont laissés en jachère – des carrières médicales à l’hôpital à la reconnaissance du temps de travail, du sort des praticiens à diplôme étranger à la sécurité des cabinets libéraux, sans oublier les violences sexistes et sexuelles qui gangrènent le secteur.
Fin septembre, la première tâche de Geneviève Darrieussecq relève de la mission impossible : bâtir avec Bercy un PLFSS en moins de deux semaines
Le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal se contente d’expédier les affaires courantes pendant 51 jours, lors des Jeux olympiques, avant que l’expérimenté Michel Barnier ne soit nommé Premier ministre, le 5 septembre. Le Savoyard, figure des Républicains, fait de la santé mentale sa « grande cause nationale », en dépit de l’annulation du Conseil national de la refondation (CNR) sur cette thématique. Sa première visite a lieu à l’hôpital Necker, à Paris. Le Premier ministre sera-t-il à l’écoute du secteur ? Il n’en aura guère le temps… L’allergologue Geneviève Darrieussecq (MoDem) est nommée ministre de la Santé et de l’Accès aux soins le 21 septembre. Sa première tâche de rentrée relève de la mission impossible : bâtir avec Bercy un projet de loi de financement de la Sécurité sociale en moins de deux semaines, sous haute tension budgétaire. À l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR) promet d’amputer l’aide médicale d’État (AME) d’une partie de ses crédits et d’en réduire le panier de soins. Les travaux législatifs sur la fin de vie, entamés au printemps, sont renvoyés à plus tard. Ils devraient reprendre au mieux courant février 2025… Tous les acteurs – libéraux, hospitaliers, industriels – réclament un meilleur suivi des priorités et de la visibilité, notamment à travers une loi de programmation pluriannuelle en santé et des rallonges financières.
Une censure pour boucler la boucle
Au terme de cette année de fracas politique, le projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS) pour 2025, s’affiche, selon l’aveu même du ministre des comptes publics, Laurent Saint-Martin, comme un « budget de paramètres pas de réformes ». Lequel est toutefois enrichi par les parlementaires, sans convaincre le secteur qui y voit surtout la marque des économies. Dans un contexte de dérapage des comptes sociaux (lire ci-dessous), quelques sujets traduisent à nouveau les atermoiements de l’exécutif, comme les exonérations de charges sociales ou la hausse du ticket modérateur, mesure à peine annoncée, puis modifiée et finalement abandonnée pour 2025, sous la pression du RN.
Rebondissement final : la censure du gouvernement Barnier, renversé et donc démissionnaire. Le PLFSS issu de la commission mixte paritaire (CMP), qui avait fait l’objet d’un compromis, est rejeté. Une loi spéciale permettra à la banque de la Sécu de continuer à emprunter. Le centriste François Bayrou (MoDem) entre à Matignon. À Ségur, ministère des crises, l’incertitude demeure.
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