Les Américains à Paris

Publié le 25/06/2015
Le laboratoire américain Alexion a choisi de collaborer avec la médecine française. Les autorités françaises auraient selon nos sources fortement incité le laboratoire à investir à Paris pour assurer la vente de ses très chers médicaments. De part et d’autre, en effet, l’enjeu du développement de ces produits destinés à des maladies graves et rares exige de part et d’autre un lobbying offensif, comme en témoigne la présence d’experts et d’anciens diplomates à la manœuvre.

En s’installant à l’hôpital Necker, au sein même de l’Institut Imagine, Alexion décide de collaborer avec les équipes de pointe dans les pathologies entraînées par les réactions de rejet du greffon (GVHD) et de l’insuffisance de la moelle osseuse. D’une manière générale, les dirigeants d’Alexion entendent développer leurs activités à Paris et en France. Il s’agit de travailler sur des recherches de traitements de maladies rares. Alexion est un laboratoire très axé sur l’inhibition du complément et a développé des traitements (eculizumab-Soliris) pour les patients atteints d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) et du syndrome hémolytique et urémique atypique (SHU). Ces maladies complexes sont causées par l’inactivation chronique et incontrôlée du complément. On se souvient aussi que le laboratoire avait en 2013 créé la polémique en manipulant certainement les interventions d’un jeune enfant belge Viktor pour faire pression sur le gouvernement de Bruxelles afin d’obtenir le remboursement de son médicament phare Soliris, considéré comme le plus cher au monde ( 400-500 000 euros par an).

450 chercheurs

Rappelons que Imagine, fondé il y a un an à l’initiative du Pr Arnold Munnich en particulier (il était le conseiller santé du président Sarkozy), est dirigé par le professeur Alain Fischer spécialisé dans les maladies génétiques. Trois millions de personnes en sont atteintes en France. On estime qu’il existe 9 000 maladies génétiques. Imagine accueille des équipes mixtes Inserm/Université Paris-Descartes. L’interdisciplinarité y est privilégiée. Quatre cent cinquante chercheurs, ingénieurs et techniciens travaillent dans ce lieu à l’architecture très novatrice. Vingt-cinq laboratoires et huit plateformes technologiques sont en place. Quatre cents médecins de Necker sont associés au travail d’Imagine. Trente brevets, treize licences d’exploitations et deux start-up biotechs sont directement issus d’Imagine. Pour les dirigeants du laboratoire américain, cette expertise en recherche notamment clinique est un grand avantage. « Elle est recherchée par l’industriel que nous sommes », nous a déclaré Martin Mackay, vice-président en charge de la recherche.

Un nouveau centre de recherche

Quelques heures avant la révélation des faits d’espionnage américain de dirigeants français, en pleine concorde donc et en présence de l’ambassadrice américaine en France, la ministre Marisol Touraine a salué le choix fait par ce laboratoire américain de s’installer en France. Selon elle, le cadre règlementaire en place en France était favorable aux investissements étrangers. Par ailleurs, un programme « Médecine du futur » centré sur les biothérapies, la médecine personnalisée et la médecine connectée est en projet sous la houlette du Pr Syrota notamment. Le nouveau secrétaire d’Etat à la Recherche Thierry Mandon ne s’est pas  encore exprimé sur ce sujet. Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, pour sa part, a souligné les actions de pointe des équipes médicales de son établissement. Bien que les dirigeants industriels refusent de divulguer le montant de leurs investissements dans notre pays, ils signalent la présence d’une vingtaine de chercheurs dédiés à ce projet. Pour la plupart, ils collaboreront au sein de l’IHU Imagine avec l’AP-HP et l’Inserm. Les chercheurs et médecins impliqués seront également ceux des services d’hématologie greffe de Saint-Louis (Prs Gérard Socié et Régis Peffault de la Tour). Il s’agit ici d’un partenariat privé-structures académiques important et nécessaire, comme l’a  souligné le Pr Lévy (Inserm).  

Source : lequotidiendumedecin.fr