Marisol Touraine : Attractivité à l'hôpital, mes quatre mesures pour les praticiens hospitaliers

Publié le 04/10/2016
visuel Touraine

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Crédit photo : S. Toubon

Décision Santé. Quelles sont les mesures que vous venez d’annoncer aux cinq intersyndicales ?

Marisol Touraine. J’ai annoncé aujourd’hui l’entrée en vigueur de plusieurs mesures pour valoriser l’exercice médical à l’hôpital public : pour favoriser l’engagement des jeunes diplômés dans une carrière hospitalière, pour fidéliser les praticiens investis dans le service public et pour accompagner la mise en place des groupements hospitaliers de territoire.

Tout d’abord, pour inciter à l’exercice dans les territoires médicalement fragiles ou les spécialités en tension, une prime de 10 000 à 30 000 euros sera attribuée dès lors qu’un jeune médecin s’engage à passer le concours de praticien hospitalier et à rester au moins trois ans sur un poste après sa titularisation.

Nous allons par ailleurs améliorer les droits sociaux des jeunes praticiens, pour qu’ils bénéficient des mêmes droits que les praticiens titulaires. Ils pourront conserver 100 % de leur rémunération pendant un congé maternité et travailler à temps partiel pendant leur période probatoire. La durée de couverture sociale et le niveau de rémunération en cas d’arrêt maladie seront harmonisés. Ce sont des mesures justes, d’équité.

Pour accompagner la mise en oeuvre de la réforme structurelle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), j’ai créé une prime d’exercice territorial. Quatre niveaux de primes seront attribués, allant de 250 à 1 000 euros brut, selon le nombre de demi-journées consacrées aux activités partagées entre plusieurs établissements. Par ailleurs, la rémunération des périodes de temps de travail additionnel et des astreintes sera homogénéisée, et le temps de travail des praticiens qui réalisent des activités de soins programmées en première partie de soirée sera désormais pris en compte.

Enfin, j’ai annoncé la création d’un second palier de l’indemnité d’engagement de service public exclusif. Cette mesure est un signal fort de reconnaissance de la fidélité de praticiens engagés durablement dans le service public.

Ces mesures répondent, de manière concrète, au besoin de recrutement de médecins et de réduction des dépenses d’intérim, qui sont particulièrement coûteuses pour les hôpitaux et qui fragilisent la stabilité des équipes médicales.

D. S. Les médecins hospitaliers sont en attente de mesures spécifiques pour renforcer l’attractivité de l’hôpital public. Pourquoi, après plusieurs colloques et rapports, a-t-il été nécessaire de patienter quatre ans ?

M. T. J’ai confié une mission au sénateur Jacky Le Menn sur l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital public en novembre 2014. Il m’a rendu son rapport en juin 2015. J’ai ensuite annoncé un plan d’action pour améliorer l’attractivité de l’exercice médical qui comprend 12 engagements forts. Nous avons travaillé avec les acteurs hospitaliers pour enrichir un programme de travail, finalisé au début de l’année, et déterminer ensemble les actions prioritaires que je viens d’évoquer et qui entreront en vigueur avant la fin de l’année 2016.

D. S. Alors que les jeunes médecins plébiscitent l’exercice salarié, pourquoi ne souhaitent-ils pas exercer à l’hôpital public ?

M. T. La non-augmentation du numerus clausus entre 2008 et 2012 n’a pas permis d’anticiper les nombreux départs en retraite des praticiens hospitaliers. L’augmentation de plus de 10 % du numerus clausus, que j’ai engagée depuis 2012, ne produira d’effets qu’à compter de 2022.

La concurrence est forte pour le recrutement des personnels médicaux, entre établissements publics, entre le secteur public et le privé, et entre le salariat et le libéral. La rémunération des praticiens constitue donc un enjeu incontournable de l’attractivité, particulièrement prégnant pour certaines spécialités. Le revenu annuel net moyen des spécialistes libéraux est supérieur de 20 % à celui des praticiens hospitaliers. Comme nous l’avons fait dans le secteur ambulatoire à travers le Pacte territoire santé, nous devions agir pour inciter les jeunes à s’engager dans des carrières hospitalières, afin de garantir aux Français la qualité et la sécurité des soins à l’hôpital public.

D. S. Ce plan d’attractivité répond-il aux avancées de la nouvelle convention médicale accordées aux médecins libéraux ? Faut-il y voir un enjeu électoral ?

M. T. Comme je vous le disais, j’ai pris la décision de renforcer l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital dès 2014. Je sais que la rémunération est un des facteurs de l’attractivité mais ce n’est pas le seul ! Les professionnels sont très attachés à la qualité des équipements hospitaliers, au travail en équipe, à leur autonomie professionnelle, à l’équité de traitement au sein du service public. Dans un contexte de changement des rapports au travail que traverse notre société, j’ai lancé une nouvelle séquence de travail du Plan attractivité qui sera centrée sur la gestion et le suivi du temps de travail.

D. S. Si les candidats à la primaire de la droite annoncent des mesures sur la médecine libérale, l’hôpital public ne paraît pas encore un sujet d’affrontement. Y aurait-il un consensus gauche-droite sur la place de l’hôpital public au sein de notre système de santé ?

M. T. J'aimerais le croire ! Mais le quinquennat précédent a supprimé l'idée même de service public hospitalier et les candidats à la primaire de la droite multiplient les annonces de suppressions de postes de fonctionnaires. Comment imaginer que l'hôpital ne serait pas touché ? L'hôpital public doit se transformer, c'est ce qu'il fait par exemple avec les GHT. Mais son rôle, les valeurs qu'il porte, son engagement quotidien doivent être reconnus et valorisés.

Lorsque je suis arrivée aux responsabilités, c’est un service public hospitalier affaibli et malmené que j’ai trouvé. Jamais un quinquennat n’aura fait autant pour l’hôpital public. J’ai mis fin à la « convergence » entre le public et le privé. J’ai réintroduit le service public hospitalier dans la loi pour défendre l’accès de tous aux soins et redonner confiance à l’hôpital. J’ai renforcé son attractivité pour les professionnels qui y exercent et pour donner envie aux plus jeunes d’y travailler. J’ai préservé les effectifs à l’hôpital. J’ai augmenté la rémunération des personnels en catégorie C, des infirmiers en catégorie A et des sages-femmes. J’ai mis fin au « tout T2A », avec des mesures concrètes en faveur des établissements de proximité. Bref, vous le savez, ma volonté, c’est de renforcer l’hôpital public dans toutes ses composantes et notamment la compétence, la stabilité et la solidité de ses équipes médicales. C’est tout cela que j’ai engagé depuis plusieurs années et, aujourd’hui encore, vous pouvez constater que nous avançons.

Propos recueillis par Gilles Noussenbaum

Source : lequotidiendumedecin.fr