« Nous sommes des ardents défenseurs du Nutri-Score. Et nous sommes absolument convaincus que c’est un outil extrêmement intéressant pour accompagner les assurés dans une nutrition bonne pour la santé », a déclaré ce 12 mars, sans ambages, le DG de l’Assurance-maladie, Thomas Fatôme, devant la commission des Affaires sociales du Sénat qui l’auditionnait dans le cadre de travaux sur la prévention. Cette intervention claire du numéro un de la Cnam s’inscrit dans un contexte particulier, quelques semaines après la publication d’un billet de blog sur le site ameli.fr au sujet de l’alimentation de l’adulte.
Un nouveau mode de calcul du Nutri-Score, plus sévère avec les produits transformés de l’agroalimentaire sur la teneur en sucres, en gras ou en sel – conformément aux plus récentes études en la matière – pourrait être entériné par un arrêté en France, comme c’est le cas en Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse… Mais celui-ci ne sort pas des tuyaux du gouvernement Bayrou.
Corriger des effets « négatifs »
Pourtant, ce texte avait été avalisé par les équipes gouvernementales passées « il y a plus d’un an », a concédé la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, interrogée sur le sujet au Sénat jeudi dernier. Mais, droite dans ses bottes, elle a assumé bloquer sa publication. « L'arrêté est à ma signature. Je n'ai pas encore signé. Je ne sais pas quelles sont mes marges de manœuvre pour en corriger les effets négatifs, mais croyez bien que je m'y intéresse de très près ». L'élue du Doubs reproche notamment à cet indicateur de donner une mauvaise note aux produits issus des « magnifiques salaisons françaises », fromage ou charcuterie, comme les saucisses de Montbéliard ou de Morteau.
Selon RMC, les deux ministres Catherine Vautrin (Santé, Travail, Solidarités, Familles) et Yannick Neuder (Santé, Accès aux soins) ont bien signé l’arrêté sur la nouvelle mouture de Nutri-Score. Mais la signature de deux autres ministres est requise pour l'entrée en vigueur du texte : celui de l'Économie et de l’Agriculture.
Propos « irresponsables »
Il n’en fallait pas moins pour que l'association de défense des consommateurs Foodwatch juge « irresponsable » la déclaration de la ministre de l’Agriculture qui, selon elle, « se fait la porte-voix des arguments des lobbies laitiers et bloque une mesure de santé publique attendue et prête depuis un an ». L'association a adressé, avec la fédération d’usagers France Assos Santé et le Réseau Action Climat, une lettre ouverte en ce sens au Premier ministre François Bayrou vendredi 7 mars. « Il n'est plus possible de faire reposer la responsabilité des maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation sur la seule responsabilité des consommateurs, alors même que ces derniers n'ont pas accès à une information claire et neutre sur ce qu'ils achètent et consomment », écrivent-ils.
Blocage également au niveau européen
Le Nutri-Score est un étiquetage mis en place depuis 2017 en France, classant les produits alimentaires de A à E, en fonction de leur composition et leurs apports nutritionnels, au bon vouloir des entreprises. Il « ne dit pas qu'il ne faut pas consommer les produits, il rappelle que certains produits qui sont très gras, très sucrés, très salés, doivent être consommés en petites quantités, pas trop fréquemment », a rappelé à l’AFP le Pr Serge Hercberg, épidémiologiste et nutritionniste, à l’origine de cet étiquetage. Il pointe également que les « maladies liées à la nutrition », comme l'obésité, le cancer, les maladies cardio-vasculaires, le diabète ou l'hypertension, ont « un coût humain et également un coût social et un coût économique extrêmement important ».
La Commission européenne a récemment cherché une solution consensuelle d'étiquetage nutritionnel autre que le Nutri-Score, auquel restent opposés de grands industriels, certains secteurs agricoles et le gouvernement italien. Sans succès. Il n’y aura donc pas de Nutri-Score obligatoire en Europe, malgré le vote d’octobre 2021 des députés européens approuvant, dans son principe, l’idée d’un logo nutritionnel obligatoire. Ailleurs, le dispositif est en passe d’être adopté, en Finlande et, plus loin, aux Émirats arabes unis, état du Golfe où 61 % des adultes sont en surpoids.
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