Le ministre de la Santé avait confié à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), le 21 mai 2021, une mission sur les dispositifs de partage de compétences entre professionnels, les protocoles de coopération et pratique avancée, l’ouverture de la pratique avancée aux infirmiers spécialisés, ainsi que sur l’opportunité de créer une profession de santé intermédiaire. La mission rend, ce 5 janvier 2022, ses conclusions dans le rapport « Trajectoire pour de nouveaux partages des compétences entre professionnels de santé ».
Dans un contexte de forte mobilisation des professionnels et autour d’enjeux de reconnaissance de leurs compétences accrus par les effets de la crise sanitaire, la mission de l’Igas fait état d’un « contexte d’émergence des nouveaux partages de compétences », soulignant « les facteurs systémiques qui les rendent à la fois nécessaires et particulièrement difficiles en France ».
Les protocoles de coopération
Le rapport de l'Igas rappelle que les protocoles de coopération – mis en place en 2009 par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) – ont deux modalités : les « protocoles nationaux initiés par l’administration en réponse à des priorités de santé publique » et « des protocoles locaux initiés par les professionnels pour répondre aux besoins de souplesse qu’ils rencontrent sur le terrain ». Si ces évolutions sont « bien accueillies par les acteurs », « la mission n’a pas encore pu en observer les effets, faute de recul suffisant ».
Toutefois, cette dernière note quelques points d’attention : « le manque de suivi des indicateurs nécessaires à une bonne connaissance et évaluation des protocoles existants ; un besoin de renforcement du pilotage face au foisonnement possible des protocoles locaux ; un financement désormais essentiellement adossé aux expérimentations prévues par l’article 51 de la LFSS pour 2018 qui ne garantit pas la pérennité du dispositif ; la nécessité d’assurer la reconnaissance et la portabilité des compétences acquises. » Mais l'Igas pointe le risque de « faible potentiel de généralisation ».
La pratique avancée
Le rapport de l’Igas rappelle que la pratique avancée ne concerne, pour l’instant, que la profession infirmière et « n’a pas pu se développer à la hauteur des objectifs fixés ». En effet, précise la mission, « son essor est contrarié à la fois par la dépendance au médecin qu’elle instaure pour l’accès à la patientèle, et un modèle économique inadapté et sous-dimensionné. »
Deux pistes majeures sont dès lors identifiées : « une révision du modèle économique et du financement, en libéral comme en établissement ; l’élargissement du périmètre d’intervention des infirmiers en pratique avancée ».
La mission a également relevé des dysfonctionnements concernant « des problèmes d’identification des professionnels dans les différents systèmes d’information (Cnam, pharmacies…) ; l’accès à la formation universitaire (coût et perte de rémunération insuffisamment compensés) ; l’insuffisance de l’accompagnement à l’installation ». L’Igas, s’appuyant sur des témoignages collectés sur l’impact « très positif de l’installation des premières IPA », encourage la poursuite de cette modalité d’exercice.
L’Igas dresse également le constat d’une situation « dégradée devenue structurelle », soulignant les « problèmes durables d’accès aux soins qui justifient la mobilisation de tous, à la pleine hauteur de leurs compétences », les « attentes des professionnels face à un système rigide qui ne répond pas à leurs aspirations » et, enfin, la « persistance de divers réflexes corporatistes reposant sur des craintes souvent infondées ».
Ainsi, la mission recommande de différencier « à l’avenir » deux types de pratiques avancées : des infirmiers en pratique avancée (IPA) spécialisée et des IPA praticiens. Aussi, le niveau d’avancement des pratiques a été repensé sur cinq axes : « degré de compétences et de pouvoir décisionnel ; degré d’autonomie et distance interventionnelle ; degré de risque et responsabilité assumés (avec la difficulté de grader les situations en fonction de leur gravité et urgence) ; périmètre d’intervention ; degré d’indépendance d’accès à la patientèle ».
IPA, une profession intermédiaire ?
En concertation avec le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) et celui des infirmiers, la mission ne juge pas opportun de créer une profession de santé intermédiaire « ex nihilo ». D’ailleurs, précise-t-elle, « de manière quasi unanime, les acteurs du système de santé considèrent d’ores et déjà les IPA comme une profession de santé intermédiaire », même si ce statut ne se vérifie pas dans le Code de la santé publique.
Une discussion est donc, selon l’Igas, « incontournable » et devra s’intéresser « aux périmètres d’intervention, qui doivent être revus pour passer d’un système de cloisonnement à un système de partage ; à la place des professionnels de santé dans le parcours de soins qui doit être optimisée pour répondre au mieux aux besoins des patients ».
L’intervention d’IPA praticiens pourrait, à terme, être en première ligne « sur des pathologies courantes identifiées comme bénignes (ex : pathologies concernées par les protocoles de coopération sur les soins non programmés) en soins primaires et en population générale ».
Repenser l’organisation des soins
Concernant l’organisation des soins, deux scénarios sont proposés par la mission pour repenser le système global. L’un « consiste à accompagner une refonte de l’articulation et du partage de compétences entre toutes les professions, replaçant chacune sur sa valeur ajoutée en s’appuyant sur une instance présidée par une personnalité qualifiée, composée des représentants des différents CNP et du Collège de médecine générale, des structures d’exercice coordonné, des conseils nationaux des ordres professionnels, des étudiants et internes médicaux et paramédicaux, et de représentants des patients ».
L’autre, « nettement plus ambitieux », impliquerait l’organisation d’une « convention citoyenne ».
Véran se réjouit du rapport
À la réception de ce travail, le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'est félicité dans un communiqué : « Je crois profondément à la nécessité de reconnaître les compétences de chacun par des statuts adaptés et harmonisés. [...] Nous devons nous appuyer davantage sur la pratique avancée, dont on voit qu’elle n’est pas suffisamment montée en charge dans le cadre existant, et nous devons aller plus loin dans la reconnaissance des compétences. »
Ségur précise qu'il recevra les ordres professionnels (Ordres des médecins et des infirmiers), les représentants des infirmiers spécialisés, les organisations syndicales des personnels non médicaux de la fonction publique hospitalière et les principales organisations représentant les professions médicales concernées dans les prochaines semaines.
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