La Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), réunie ce mardi 3 juin, a livré son verdict, très sombre, sur l’état des comptes sociaux. Selon le rapport remis aux acteurs du secteur, le trou du régime général de la Sécurité sociale atteindrait 21,9 milliards d’euros en 2025 et se creuserait pour approcher 25 milliards de déficit à l’horizon 2029, une dégradation structurelle qui pousse l’exécutif à réexaminer le financement de notre modèle.
Seule bonne nouvelle, si l’on peut dire : le déficit attendu cette année serait un peu moins élevé (200 millions) que le niveau prévu en loi de financement. Il dépasserait toutefois de 6,6 milliards celui constaté pour 2024, soit 0,7 point de PIB…
Dépenses dynamiques, moindres recettes, un effet ciseau
Le rapport, qui présente les résultats consolidés 2024 et établit des projections 2025, confirme que se sont conjugués l’an passé « un alourdissement des dépenses et une moindre dynamique des recettes permettant de les financer ». Pour la première fois depuis 2021, les recettes ont connu une progression plus faible que celle des dépenses (dont 94 % de prestations sociales). L’inflation constatée l’an passé « majore fortement les dépenses, mais a un effet favorable plus limité sur l’évolution des recettes », insiste le rapport. D’où un effet ciseau défavorable sur les comptes de la Sécu.
Et pour 2025, la situation ne fait qu’empirer : les dépenses progresseraient encore « beaucoup plus » que les recettes, avec un différentiel qui de 1,4 point après 0,7 point en 2024 sur le champ du régime général.
L’Ondam soins de ville à la dérive ?
En ce qui concerne spécifiquement la santé, le rapport s’attarde sur la période récente marquée à la fois par des dépenses exceptionnelles massives (Covid, revalorisation du Ségur, compensation accordées aux établissement pour l’inflation) mais aussi par une accélération propre significative. Ainsi, peut-on lire, les dépenses du Ségur de la santé ont représenté un coût de « 13 milliards d’euros en 2024 » et les mesures inflation un surcoût de « 8,6 milliards ». Mais même hors effets Covid, Ségur et inflation, l’évolution des dépenses de l’Ondam « a toutefois nettement accéléré depuis 2020, à +3 %, contre +2,5 % sur 2018-2019 et +2,3 % sur la décennie 2010-2019 ».
Pour 2024, le dépassement de l’Ondam fixé en loi de financement (une enveloppe de 254,9 milliards d’euros) « n’est pas imputable à des événements exceptionnels (crises sanitaire et inflationniste), à la différence des années précédentes », insiste le rapport, une façon de pointer que plusieurs postes dérapent de façon autonome. La sur-exécution concerne « principalement les dépenses de soins de ville » (+1,5 milliard). Le dérapage des hôpitaux (+ 200 millions), notamment, a lui été compensé par les sous-exécutions des dépenses relatives aux services médico-sociaux (-200 millions) et par les autres prises en charge (-100 millions). Les postes de soins de ville les plus dynamiques ont été liées aux « prises en charge de cotisations en faveur d’une partie des professionnels de santé », et, au sein des prestations, « les indemnités journalières, les dispositifs médicaux, les honoraires paramédicaux, les honoraires de médecins spécialistes et les dépenses de médicaments ».
La branche maladie, plus que jamais l’homme malade
Pour 2025, rappelons que la loi Sécu a fixé à 265,9 milliards le montant des dépenses d’assurance-maladie dans le champ de l’Ondam, soit une progression à champ constant de 8,7 milliards ou de 3,4 %. Et les perspectives ne sont guère optimistes quant à la capacité de la branche maladie à rester dans les clous : dans son premier avis cette année, le comité d’alerte a qualifié d’« importants » les risques de dépassement de l’objectif 2025, « à défaut d’un encadrement effectif des dépenses de soins de ville ».
D’autant que plusieurs économies sont incertaines : 1,1 milliard d’économies restent à concrétiser, notamment dans le secteur des produits de santé (600 millions), des transports et de la radiologie. En outre, « les dynamiques en volume des différents segments d’activité des professionnels de santé en ville et des indemnités journalières pourraient s’avérer plus fortes qu’anticipé », peut-on lire. Par ailleurs, la situation financière très dégradée des établissements publics de santé constitue un « point de fuite majeur de l’Ondam », selon le comité d’alerte.
Au total, le déficit consolidé de l’assurance-maladie s’est creusé à 13,8 milliards en 2024 et le manque à gagner atteindrait 16 milliards pour 2025, soit près des trois quarts du déficit de la Sécurité sociale.
Une dette financée à court terme insoutenable ?
Le rapport examine enfin l’accumulation de la dette auprès de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et de l’Urssaf caisse nationale. Au 31 décembre 2024, la Cades a amorti 258,6 milliards de dette sociale cumulée depuis sa création en 1996. Ce montant d’amortissement devrait atteindre 274,8 milliards à fin 2025, soit près de 16,28 milliards supplémentaires.
Le rapport s’inquiète surtout de « l’alourdissement continu de l’endettement social » porté sur des échéances de
court terme par l’Urssaf caisse nationale, « sans perspective d’amortissement ». Fin 2024, près de 30 milliards restent portés par cette caisse au titre notamment des déficits 2023 et 2024 des branches maladie et vieillesse du régime général. Compte tenu des prévisions 2025, le montant de la dette sociale financée par l’Urssaf caisse nationale pourrait atteindre près de 54 milliards fin 2025… Or, si des souplesses de gestion sont permises, elles « ne sauraient occulter les risques croissants auxquels l’Urssaf caisse nationale serait exposée si la dette sociale qu’elle finance à court terme devait continuer à s’accumuler, sous l’effet de la répétition chaque année de déficits d’une vingtaine de milliards d’euros », peut-on lire.
Le rapport conclut de façon alarmiste : plus que jamais s’avère nécessaire une trajectoire de redressement avec un retour durable à l’équilibre « à un horizon proche » et la reprise par la Cades de la dette sociale qui s’accumule à l’Urssaf caisse nationale, afin d’en assurer le remboursement effectif. Un autre avertissement au gouvernement, placé au pied du mur.
L’affaire Le Scouarnec, miroir des défaillances des instances médicales
Pr Régis Aubry, spécialiste des soins palliatifs : « Analyser collégialement une demande d’aide à mourir évite l’arbitraire et le subjectif »
Lien entre Androcur et méningiome : Bayer, Sandoz et Viatris condamnés au civil en France
Décès du Pr Étienne-Émile Baulieu, père de la pilule abortive