Le gel des versements américains aux programmes de lutte contre la tuberculose met en danger des « millions de vies », a averti ce 5 mars l'Organisation mondiale de la santé (OMS), instance dont les États-Unis de Donald Trump ont annoncé qu'ils se retiraient.
Les efforts déployés à l'échelle mondiale pour lutter contre la tuberculose – maladie infectieuse la plus mortelle au monde à l’origine de 1,25 million de décès en 2023 – ont permis de sauver plus de 79 millions de vies au cours des deux dernières décennies, selon un communiqué de l'OMS.
Mais ces avancées sont compromises par la menace du gel de l'aide américaine, dont dépendent de nombreuses organisations, en particulier dans les pays pauvres. « Des coupes budgétaires soudaines menacent aujourd'hui de réduire à néant » les « progrès durement acquis » dans la lutte contre la tuberculose, « mettant en grand danger des millions de personnes, en particulier les plus vulnérables », a indiqué l'OMS.
Cet avertissement intervient alors que la Cour suprême américaine a rétabli ce 5 mars à une courte majorité (cinq voix, dont celle du président conservateur de la Cour, contre quatre) une décision de justice sommant l'administration américaine de reprendre les versements dus à des organisations d'aide internationale, d'un montant estimé entre 1,5 et 2 milliards de dollars.
Le président Donald Trump, qui avait promis pendant sa campagne de tailler dans les dépenses, avait signé le 20 janvier un décret ordonnant un gel de l'aide étrangère américaine pour 90 jours. Son administration avait renchéri en annonçant la suppression de 92 % des financements de programmes à l’étranger par l’agence américaine de développement, l’Usaid, se targuant de « faire économiser près de 60 milliards de dollars aux contribuables ».
L’Usaid gère un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, représentant à lui seul 42 % de l’aide humanitaire dans le monde. Selon l'OMS, les États-Unis « ont fourni environ 200 à 250 millions de dollars par an en financement bilatéral aux pays pour lutter contre la tuberculose », soit « environ un quart » du montant total des fonds alloués par les donateurs internationaux.
Des milliers de personnels de santé menacés de licenciement
La réduction de l'aide représente une menace particulièrement forte pour 18 des pays les plus touchés par la tuberculose, dont les activités de prévention et de lutte contre la maladie dépendent à 89 % du financement américain. La région africaine est la plus durement touchée, suivie de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental.
« Toute interruption des services de lutte contre la tuberculose – qu'elle soit financière, politique ou opérationnelle – peut avoir des conséquences dévastatrices et souvent fatales pour des millions de personnes dans le monde », a déclaré Tereza Kasaeva, qui dirige le programme mondial de lutte contre la tuberculose de l'OMS.
La pandémie de Covid-19 a montré que les interruptions des services de santé avaient « entraîné une surmortalité due à la tuberculose de plus de 700 000 personnes entre 2020 et 2023 », a-t-elle relevé. La hausse des cas de tuberculose s’est observée y compris en France.
« Sans une action immédiate, les progrès durement acquis dans la lutte contre la tuberculose sont menacés. Notre réponse collective doit être rapide, stratégique et dotée de toutes les ressources nécessaires pour protéger les plus vulnérables et maintenir l'élan vers l'éradication de la tuberculose », a-t-elle poursuivi.
Selon l'OMS, les premières informations envoyées par les 30 pays les plus touchés par la tuberculose montrent que les coupes américaines « démantèlent déjà les services essentiels », avec notamment des « milliers de personnels de santé menacés de licenciement ».
Les chaînes d'approvisionnement en médicaments s'effondrent en raison du manque de personnel, de fonds et de données. Les activités des laboratoires sont également gravement perturbées, tout comme celles de dépistage et de recherche des contacts.
« Sans intervention immédiate, ces défaillances systémiques paralyseront les efforts de prévention et de traitement de la tuberculose, réduiront à néant des décennies de progrès et mettront en danger des millions de vies », insiste l'OMS, qui rappelle que l'Usaid était le troisième bailleur de fonds mondial pour la recherche sur la tuberculose.
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