Le Dr Martin Ambroise est étonné. Ce praticien de SOS 21, exerçant à Chenôve (Côte-d’Or) a appris cette semaine que la rémunération de l’établissement des certificats de décès forfaitaire est effective dans la majorité des communes de la métropole de Dijon, considérées comme des zones d’aménagements concertés (ZAC), à l’exception des villes de Dijon, Saint Apollinaire, Quetigny, Longvic et Chenôve.
Ceci crée donc des inégalités, dénonce le généraliste, qui parle même de « discriminations entre habitants de la même métropole » et appelle à « rémunérer de façon identique sur l’ensemble du territoire de la métropole et, par extension, sur l’ensemble du territoire national » l’établissement de certificats de décès.
Il existe une rémunération forfaitaire sur les horaires de PDSA (soirs, nuits, jours fériés et week-ends), mais pas pour la journée des jours ouvrés. Dans les faits, les médecins sont rémunérés dans ce cas le prix d’une visite à domicile, soit 35 euros.
Grève de SOS 21
Pour alerter l'opinion, le Dr Ambroise, ainsi que sa structure SOS 21, « ne répondra favorablement à aucune demande de visite aux fins d’établir les certificats de décès en jour ouvré sur l’ensemble de son territoire d’intervention », a-t-il écrit dans un courrier adressé conjointement au Conseil régional de l’Ordre des médecins et l’Agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté, et dont Le Généraliste a eu copie.
Le médecin affirme avoir le soutien (oral) de son URPS locale. Il en appelle maintenant aux institutions. « On demande que l’établissement de certificats de décès soit valorisé. Les médecins traitants y vont rarement, c’est majoritairement les SOS. On n’en fait pas tous les jours, ça ne va pas creuser la caisse ! », s’agace-t-il. De plus, ajoute-t-il, « c’est une question d’humanité, pas d’argent : dans ces situations-là, on n’a pas envie de poser la question de la rémunération aux familles des défunts ».
Dans le détail, le Dr Ambroise estime ces actes, à SOS 21, « autour de 90 par mois… Mais pendant l’épidémie, ça m’est arrivé d’en faire quatre le matin et quatre le soir. Un collègue s’est retrouvé en burn-out à force de constater des décès. Il a été arrêté et hospitalisé. »
Inégalité avérée pour le Crom
Joint par téléphone, le Dr Jean-François Gérard-Varet, dont le mandat de président du Conseil régional de l'Ordre des médecins de la région vient tout juste de s’achever, a confirmé nos informations. « Selon des critères purement administratifs, il y a bien une inégalité de rémunération pour un même acte, sur un territoire différent. Soit 35 euros ou 100 euros pour les zones sous-denses. Cette problématique n’est pas seulement propre à notre région. Dans l’Indre ou encore dans la couronne de Paris, c’est pareil. »
Le médecin ajoute que « tant que la question de la rémunération correcte et unique n’est pas résolue, ça n’avancera pas. J’ai eu des remontées des autorités préfectorales, des forces de police, de l’ARS, qui ne comprennent pas ce problème d’éthique médicale. Et c’est normal. C’est un sujet majeur pour l’Ordre. Nous avons lancé une réflexion et posé des questions au ministère de la Santé et à l’Assurance maladie il y a deux mois. Nous attendons leur réponse… »
Confirmation de l'ARS
À son tour contactée, l’Agence de santé (ARS) de Bourgogne-Franche Comté a confirmé que les zones non concernées par l’indemnisation sont les villes de Chenôve, Dijon, Longvic, Quetigny et St Apollinaire.
Dans sa réponse au Généraliste, l’ARS précise que « pour la plupart des décès survenus de jour, dans les horaires d’ouverture des cabinets médicaux, le médecin traitant est appelé en priorité par la famille ou les voisins. Il ne prend généralement pas d'honoraires pour ses patients, comme le veut l'usage éthique de la médecine. »
Une rémunération forfaitaire de 100 euros est néanmoins possible, sous certaines conditions, pour l’établissement d’un certificat de décès au domicile du patient, selon le décret du 10 mai 2017, paru au Journal Officiel du 11 mai, précise l’Agence. Celle-ci « est versée par la caisse de rattachement du médecin sous réserve d'en faire la demande et de satisfaire les conditions requises pour le percevoir » pour « les actes afférents à l’établissement du certificat de décès réalisés au domicile du patient (y compris dans le cadre d’une hospitalisation à domicile ou lorsque le patient réside dans un établissement social ou médico-social) sur l’ensemble du territoire national ».
Périodes concernées pour la rémunération forfaitaire
Les périodes concernées sont les suivantes : la nuit entre 20 heures et 8 heures ; le samedi, le dimanche et les jours fériés de 8 heures à 20 heures ; 8 heures à 20 heures le lundi lorsqu’il précède un jour férié, le vendredi et le samedi lorsqu’ils suivent un jour férié ; de 8 heures à 20 heures dans les zones déterminées comme étant « fragiles soit ZIP ou ZAC » en termes d’offre de soins, par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé.
« Sont donc notamment exclus de cette rémunération les médecins qui réalisent ce certificat en journée (en dehors d’une zone sous dense). Dans ces cas, le praticien est rémunéré possiblement par la famille du défunt », précise l’ARS.
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