Les nombreuses auditions de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) n’ont laissé aucun doute sur la crise que connaît le secteur confronté à une hausse des enfants concernés et une baisse des personnels. Alors que le très attendu rapport de cette commission sera remis le 8 avril, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a présenté le 6 avril dans Libération son « plan d’action » en faveur des plus de 380 000 enfants placés.
Parmi les priorités affichées, il s’agit notamment de concrétiser certaines dispositions de la loi Taquet de 2022, dont plusieurs volets sont encore manquants. C’est le cas du bilan de santé complet à l’entrée dans l’ASE, « inégalement réalisé », admet la ministre, et du suivi médical annuel des enfants pris en charge. Le déploiement de ces mesures s’appuiera sur le travail mené par la Pr Céline Gréco, cheffe du service de la douleur et palliative à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris, qui œuvre depuis plusieurs années à la création de centres d’appui régionaux.
Expérimentés en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, ces centres devraient être généralisés en 2026 avec l’objectif d’aller vers des parcours de soins coordonnés, explique le ministère, pour des enfants souvent exposés à de nombreux traumatismes aux retentissements importants sur leur santé physique et psychique.
25 nouvelles Uaped en 2025
Par ailleurs, 25 nouvelles unités d'accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped) devraient ouvrir en 2025 pour parachever le maillage territorial du dispositif spécialisé dans la prise en charge médicale, psychologique, sociale et judiciaire des mineurs victimes de violences, maltraitances ou négligences. Cette « montée en charge », selon les termes du ministère, bénéficiera d’un budget annuel en hausse de 4 millions d’euros.
Alors qu’un quart des enfants placés est atteint d’un handicap, l’enjeu est aussi de développer des « solutions adaptées », de former les professionnels et les assistants familiaux aux défis de cette « double vulnérabilité », avec le déploiement par exemple d’assistants familiaux « thérapeutiques ».
Autre mesure de la loi Taquet, le dispositif d’honorabilité prévoit la vérification du casier judiciaire et du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) des assistants maternels et familiaux. Testé depuis septembre dans six départements pilotes, il sera élargi à 23 nouveaux départements le 31 mars, « avant sa généralisation complète d’ici à cet automne », indique Catherine Vautrin. Depuis le lancement de l’expérimentation, 93 000 demandes d’attestation d’honorabilité ont été examinées : 435 ont été refusées, dont 20 en raison d’une inscription au Fijais.
Poursuite des travaux de la Ciivise
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) pourra par ailleurs poursuivre ses travaux jusqu’en octobre 2026, comme souhaité par ses membres. Sur les 15 propositions émises dans son rapport, 9 ont reçu un avis favorable immédiat, comme la généralisation des cellules de signalement dans toutes les administrations, le développement de la prévention et la prise en charge des psychotraumatismes. D’autres recommandations de la Ciivise réclament encore une réflexion sur leur mise en œuvre. C’est le cas de l’obligation de signalement des violences sexuelles par les médecins, dont le cadre juridique reste à clarifier, alors qu’une directive européenne sur le sujet doit être transposée dans le droit français.
Un registre de la mortalité infantile
Sur la mortalité infantile, qui progresse et atteint 4,1 décès entre 0 et 27 jours pour 1 000 naissances « sans que l’on connaisse précisément les causes » selon la ministre, la création d’un registre national est annoncée. L’enjeu est pour l’heure de comprendre les causes d’un phénomène multifactoriel : « réanimation plus systématique de nouveau-nés extrêmement prématurés, augmentation de certains facteurs de risque chez les mères (obésité, âge plus élevé) et comorbidités plus fréquentes (diabète, hypertension…) », liste le ministère.
Le registre, prévu pour être opérationnel début 2026, recueillera « les données des mères, des nouveau-nés et des enfants hospitalisés en néonatologie de manière continue, permettant le suivi de la santé périnatale, l’évaluation des pratiques et de la qualité des soins », est-il ajouté.
Soutenir la parentalité en prévention
Plus généralement, Catherine Vautrin veut développer les « logiques de prévention », explique son cabinet, afin principalement d’éviter les placements d’enfants. La ministre évoque un soutien à la parentalité via un « plan ciblé » notamment sur la périnatalité. La consultation parentale reste « encore trop méconnue », déplore-t-elle, mettant en avant des « solutions de répit » pour les « parents solos ». L’accent est aussi mis sur les capacités d’accueil pour aller vers des solutions « familiarisées » (famille élargie, assistant familial, accueil durable et bénévole).
La haut-commissaire à l'enfance, Sarah El Haïry, est en parallèle chargée de réfléchir aux conditions d'adoption pour « accroître les chances » des enfants en mesure d'être adoptés. Catherine Vautrin souhaite aussi « reconstituer un vivier d’assistants familiaux » en améliorant l’attractivité de ce rôle (possibilité d’occuper un emploi, organisation du répit, valorisation des compétences). D’autres mesures annoncées ciblent la scolarité et l’accompagnement jusqu’à 21 ans des jeunes majeurs sans ressources ni soutien familial.
La ministre reste en revanche floue sur le financement des mesures annoncées. Reconnaissant une « situation budgétaire difficile », elle a indiqué vouloir « prendre des décisions concertées avec les départements », principaux gestionnaires de l'ASE. « Nous allons nous réunir dès la fin avril pour en discuter », précise-t-elle.
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