LE SUIVI APRÈS by-pass gastrique devrait s’intéresser explicitement au risque d’alcoolisme. C’est ce que suggère une étude des National Institutes of Health publiée dans le « JAMA » en montrant que la dépendance à l’alcool est significativement plus importante deux ans après une chirurgie bariatrique que l’année précédant l’intervention et que la première année après. Certes, le taux reste modeste, passant de 7,6 % avant l’intervention, l’alcoolisme étant une contre-indication à ce type de chirurgie, à 9,6 % deux ans plus tard, mais le risque est réel, correspondant à une augmentation de 50 %, alors que la population des patients obèses opérés ne cesse de croître. Parmi toutes les techniques utilisées, le risque serait plus marqué en cas de by-pass gastrique. Pour le Dr Wendy King, l’auteur principal et professeur d’épidémiologie à l’école de santé publique de Pittsburgh : « Ces résultats sont inquiétants, quand on sait les conséquences négatives d’une forte consommation d’alcool sur le statut vitaminique et en minéraux, la fonction hépatique et la perte de poids. »
L’alcoolisme selon l’OMS
Sur les 2 548 sujets inclus entre 2006 et 2011, 1 945 ont participé à l’étude jusqu’au terme des deux ans post-chirurgie. Il s’agissait à 78,8 % de femmes, à 87,0 % de sujets blancs, âgés de 47 ans en médiane et dont l’indice de masse corporelle médian était de 45,8. Près de 70 % des participants ont eu un by-pass gastrique ou intervention de Roux en Y, près de 25 % un anneau gastrique ajustable et 5 % une technique moins fréquemment utilisée.
La notion d’alcoolisme était définie par la présence d’au moins un symptôme de dépendance à l’alcool, à savoir ne pas être capable de s’arrêter de boire une fois avoir commencé, avoir besoin de boire au réveil, renoncer à des aspirations normales à cause de l’alcool, présenter des désagréments liés à l’alcool (troubles de mémoire, sentiment de culpabilité, insulter autrui, avoir des remarques sur sa consommation) ou un score total AUDIT d’au moins 8 (sur 40). L’échelle AUDIT (en anglais pour Alcohol Use Disorders Identification Test) est un instrument comportant 10 items développé par l’OMS, validé et fiable. Le sore total, allant de 0 à 40, est calculé à partir de ces 10 items, un score élevé reflétant une forte dépendance.
Une pharmacocinétique modifiée
Parmi différentes variables préopératoires, l’équipe a constaté qu’un antécédent d’alcoolisme est l’un des facteurs prédictifs les plus forts d’alcoolisme après la chirurgie. Cependant, il reste que plus de la moitié des sujets concernés n’ont pas rapporté de dépendance à l’alcool l’année précédant l’intervention. Une consommation régulière d’alcool, au moins 2 verres par semaine, était aussi associée à un risque plus élevé d’alcoolisme post-intervention. De façon moins forte, d’autres facteurs ont été identifiés tels qu’un entourage peu concerné, un tabagisme préexistant ou la consommation de drogue récréative. Les hommes et les adultes jeunes sont plus susceptibles de développer un alcoolisme. Curieusement, aucune association n’a été mise en évidence avec la préexistence de troubles psychiatriques, de symptômes dépressifs ou de boulimie.
Certes, comme le reconnaissent les auteurs, l’étude a peut-être surestimé la prévalence de l’alcoolisme si l’on s’en réfère aux critères du DSM-IV. Mais, quoi qu’il en soit, l’étude révèle que la chirurgie bariatrique expose à un risque majoré d’alcoolisme. Les auteurs n’expliquent pas très bien le phénomène, hormis peut-être via une pharmacocinétique de l’alcool modifiée du fait du by-pass. Des études antérieures ont ainsi montré que les patients opérés deviennent plus sensibles à l’alcool, atteignant, pour une même quantité consommée, des pics d’alcoolémie plus élevés, de façon plus rapide et plus prolongée. L’évaluation à long terme de la chirurgie bariatrique semble avoir encore bien des choses à nous appendre.
JAMA, publié en ligne le 18 juin 2012. doi/10.1001/jama.2012.6147
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