Par le biais des récepteurs cannabinoïdes 2

Le cannabis ralentit la propagation du VIH au stade sida

Publié le 26/03/2012
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Crédit photo : S TOUBON

LE CANNABIS MÉDICAL existe déjà dans l’infection par le VIH. Autorisé sous forme de THC (Marinol) dans certains cas en France, il était utilisé jusque-là pour ses propriétés orexigènes, antiémétisantes et sédatives. Son action pourrait aller bien au-delà. Selon des chercheurs de la Mount Sinaï School of Medicine sous la direction du Dr Benjamin Chen, le cannabis ralentirait la progression du VIH par l’intermédiaire sélectif des récepteurs cannabinoïdes 2 (CB2R).

L’équipe américaine vient en effet de montrer comment ces récepteurs cannabinoïdes à la surface des cellules CD4 jouent un rôle dans la propagation du virus, en exerçant une régulation sur des co-récepteurs du VIH1, les CXCR4. « Nous voulions tester les récepteurs cannabinoïdes comme cible pharmaceutique, permettant à la fois de traiter les symptômes du SIDA avancé et de prévenir la progression de la maladie sans les effets indésirables de marijuana médicale », explique le Dr Cristina Costantino, premier auteur de l’étude. Des agonistes CB2R seraient ainsi intéressants à double titre en adjuvant des antirétroviraux.

Co-récepteurs CXCR4

Tout est parti d’une observation faite au cours de différentes études chez des patients séropositifs. Non seulement la consommation de cannabis ou de THC n’était pas corrélée à une aggravation de l’immunosuppression, mais il apparaissait clairement qu’elle entraînait une augmentation des CD4 et une diminution de la charge virale. Inhibition de cytokines inflammatoires ? Médiation chémokine ? Régulation des lymphocytes à leur sortie de la moelle osseuse ? Les mécanismes par lesquels les récepteurs cannabinoïdes exerçaient cet effet restaient mystérieux.

Deux types de récepteurs cannabinoïdes existent à la surface des cellules CD4, les CB1R et les CB2R. Les CB2R sont fortement exprimés sur toutes les CD4, les CB1R ne le sont que dans certains sous-types. Il se trouve que les récepteurs cannabinoïdes utilisent la même voie de signalisation que les co-récepteurs du VIH, CCR5 et CXCR4, ceux-là même qui permettent l’entrée du virus dans la cellule. Comme CB1R, CB2R, CCR5 et CXCR4 sont tous des récepteurs couplés à la protéine G alpha, les chercheurs ont voulu tester l’hypothèse d’une modulation chémokine. Les récepteurs cannabinoïdes modifieraient ainsi la fonction des co-récepteurs et réguleraient alors l’infectivité du VIH1.

Cellules dormantes

Dans des cultures de cellules infectées, il est ainsi apparu que l’activation des CB2R à la surface des CD4 inhibait l’infection virale de façon sélective et dose dépendante. L’inhibition virale était plus prononcée dans les cellules dormantes qui avaient été activées après l’infection. Et dans ces cellules, les chercheurs ont observé que l’activation du CXCR4 était significativement diminuée par les agonistes des CB2R. Mais ce n’est pas tout, ces agonistes ont aussi modifié le réarrangement du cytosquelette induit par le VIH et lui permettant de se répliquer.

Si les agonistes CB2R ne sont pas suffisants pour bloquer le transfert viral ou la fusion, ils ont significativement diminué le niveau de production virale. C’est vrai, les effets des agonistes CB2R sur l’infection VIH restent modérés, mais, selon les auteurs, il est vraisemblable qu’une action cumulée chez des patients traités tous les jours explique la diminution de la charge virale au fil du temps. Reste qu’un argument emporte l’adhésion : les agonistes CB2R soulagent les symptômes graves du stade SIDA, cachexie, anorexie et douleurs neuropathiques, sans avoir les effets secondaires comportementaux et neurologiques liés aux CB1R.

PLoS ONE 7(3):e33961. doi :10.1371/journal.pone.0033961

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9104