« Far far aWEI », « Les pédieux de l'Olympe » ou « WEI back to the future », les thèmes des week-ends d'intégration des étudiants en médecine ne manquent pas d'originalité.
Totalement ancré dans le folklore du cursus médical, ce rite de passage en seconde année signe l'entrée de l'étudiant en « Carabie » et reste un moment clé pour forger un véritable esprit de promotion. Mais depuis le durcissement de la réglementation contre le bizutage à la fin des années 1990, la tradition estudiantine « Codum, Cantum, Vinium, Sexum » a progressivement laissé place à des week-ends de « rentrée », de « cohésion » ou de « promotion » un peu plus sobres.
À Nancy, l'association des carabins a préféré l'un de ces termes au week-end d'intégration (WEI) trop « connoté à la notion de bizutage, ce qui n'a absolument pas lieu », explique Antoine Grebil, président de l'association locale. Au programme des 48 heures, des activités sportives et des challenges visant à nouer des liens avec ses nouveaux camarades de promo après une année de PACES bien chargée. Cet événement « est très bien vécu par la plupart des étudiants, il ne faut pas oublier que personne n'est obligée d'y participer, chacun est totalement libre », rappelle lan Duvergé, président de la corporation de Poitiers.
Léa*, étudiante en 5e année de médecine à l'Université catholique de Lille garde un très bon souvenir de son intégration. Elle y a rencontré son parrain mais aussi son groupe d'amis. « Il n'y avait pas d'alcool. Nous étions déguisés et devions relever des défis dans la ville de Lille. Une des épreuves finales, redoutée, était "le Tribunal". Les étudiants passaient un à un devant un jury. On devait chanter des chansons paillardes, imiter un animal, le tout arrosé de sauce tomate, thon et riz. Rien de dégradant, selon moi. Malheureusement cette activité a été annulée après quelques plaintes », témoigne-t-elle.
14 plaintes en 5 ans
En 2012, un étudiant Lillois aurait subi des actes humiliants d'ordre sexuel conduisant le parquet de la ville à ouvrir une enquête pour viol. « Cela fait au moins quatre ans que l'intégration ne se fait plus. La corpo n'organise plus du tout de WEI… », confie le bureau lillois. La même année à Brest, le WEI avait été de courte durée après la plainte d'une étudiante pour viol après la première soirée, obligeant le doyen de la faculté à annuler le reste de l'événement.
Chaque année, le ministère de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur rappelle aux facultés que le bizutage, interdit depuis 1998, est passible de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. Ces cinq dernières années, le comité national contre le bizutage (CNCB) a comptabilisé 14 plaintes directement adressées par des étudiants en médecine ou leurs proches. Cependant la présidente du CNCB, Marie-France Henry, reste prudente sur ces chiffres, estimant qu'il y a encore de nombreux non-dits.
« La loi a presque 20 ans, il y a eu une prise de conscience mais ce n'est pas suffisant », poursuit Marie-France Henry. Le problème de fond reste l'excès d'alcool ou « binge drinking ». « Pour ne pas risquer d'être exclu, l'étudiant va boire », affirme-t-elle. Un comportement à risque pouvant mener à des comas éthyliques. La consommation d'alcool de manière excessive est aussi punie des mêmes sanctions que le bizutage depuis la promulgation de loi santé en janvier 2016.
Le défi du binge drinking
Plusieurs accidents dramatiques ont encore eu lieu récemment après des soirées étudiantes trop arrosées. L'an dernier, un étudiant lillois de 2e année avait été retrouvé noyé dans un étang après une fête organisée dans un camping. En janvier, le corps d'un carabin de Reims avait également été repêché dans un canal après une soirée en discothèque.
Le président de l'ANEMF, Antoine Oudin, appelle toutefois à ne pas stigmatiser les carabins. « Les étudiants ont tendance à s'alcooliser bien plus intensivement et ce sur un espace temporel plus réduit qu'auparavant. Nous n'encourageons évidemment pas ce genre de pratique. Un encadrement de qualité permet d'éviter les dérives », explique-t-il.
Les associations de carabins sont en alerte sur le sujet. Elles font appel à des sociétés professionnelles (Protection civile, Croix rouge etc.) pour assurer la sécurité à chaque soirée. « Une distribution d'éthylotests est réalisée à la sortie d'événements. Très peu d'associations ont l'autorisation de vendre des alcools forts eux-mêmes. Des rondes sont organisées lors des soirées en plus du service de sécurité. Enfin, les étudiants servant au bar se réservent le droit de réguler le débit d'alcool... », poursuit Antoine Oudin.
Les organisateurs mettent également à disposition des bracelets spéciaux pour les étudiants « SAM », capitaines de soirée destinés à ramener chez eux les fêtards. Ils bénéficient d'une réduction sur le prix de la soirée et obtiennent des boissons softs gratuitement. Des préservatifs sont disponibles dès le début de l'événement.
*le prénom a été changé
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