LES DÉBITANTS de tabac ont encore quelques jours pour écouler leurs stocks de paquets de cigarettes sans photos gores. Mais l’ensemble des nouveaux paquets livrés doit inclure ces images. S’agissant du tabac à rouler et autres cigarillos, les fabricants bénéficient d’une année supplémentaire pour mettre en place les avertissements picturaux. Pour les cigarettiers, ces images représentent un surcoût de l’ordre de 3 à 4 millions d’euros par fabricant, lié à la modification graphique des paquets et à l’achat de nouveaux cylindres d’impression. Une goutte d’eau rapportée à leur chiffre d’affaires français annuel (1,6 milliard d’eurosen2010).
Ces images constituent surtout une attaque frontale contre le paquet de cigarettes en tant que premier outil marketing de l’industrie du tabac. « Ces avertissements graphiques contribuent à réduire la consommation des fumeurs et surtout à dissuader les jeunes de commencer à fumer, notamment parce qu’ils cassent l’image glamour du packaging », estime le Pr Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT). Mettant naturellement en doute l’efficacité du dispositif, buralistes et cigarettiers considèrent que la mesure n’aura que très peu d’effet du côté des jeunes. Évidemment, certains adolescents, très friands d’images gores les tourneront en dérision, voire s’amuseront à les collectionner. Néanmoins, ces images souvent très crues interpelleront le public au point que certains cherchent déjà à les dissimuler. Depuis 2003 et l’apparition des premiers avertissements écrits sur les dangers du tabagisme imprimés sur les paquets de cigarettes, plusieurs sociétés commercialisent (sans grand succès) des étuis à cigarettes censés dissimuler ces messages avec plus ou moins d’élégance. La généralisation des images choc relance sur Internet l’offre de solutions pour masquer ces photos dérangeantes. « Une utilisation généralisée des étuis à cigarettes n’a jamais été vérifiée et ne constituerait pas, en tant que telle, une remise en cause de l’efficacité de la mesure », considère le CNCT. Au contraire, « on peut estimer qu’un fumeur qui éprouve le besoin de cacher ces images, à chaque paquet acheté, se trouve dans une situation où sa consommation de tabac et les risques associés le mettent particulièrement mal à l’aise. Or, ce décalage est bien connu comme étant l’une des premières étapes pour nombre de fumeurs dans le processus, parfois long, de l’arrêt du tabac ».
Le minimum du minimum.
Si la systématisation des avertissements picturaux est accueillie favorablement par l’Alliance contre le tabac, l’association, également présidée par le Pr Martinet, regrette une approche encore très timorée du gouvernement dans ce domaine. « À quand une application courageuse de l’article 11 de la Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, portant sur le conditionnement et l’étiquetage des produits du tabac », demande-t-elle ? « À l’instar de l’Uruguay, la France pourrait décider d’apposer des visuels d’une taille atteignant 85 % de la surface des deux plus grands côtés du paquet et devrait lancer une consultation pour la mise en place des paquets neutres standardisés, comme en Australie ou en Grande-Bretagne ».
Même constat du côté de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT). « La taille de ces images est toute petite. On s’est battu pour qu’elle soit plus grande et que ces images soient situées sur la face principale du paquet de cigarettes. Si vous allez chez les buralistes, vous ne voyez aucune différence », explique le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT. « Le gouvernement a fait le minimum du minimum car en France il y a une certaine priorité à vendre beaucoup de cigarettes puisque celles-ci rapportent énormément de taxes à l’État » (en France, sur les 14,8 milliards du chiffre d’affaires du tabac en 2010, 80 % vont dans les caisses publiques). « Il est aujourd’hui primordial que la problématique du tabac revienne entre les mains du ministère de la Santé et non plus du Budget. Depuis son retour à la Santé, Xavier Bertrand nous dit qu’il va essayer de reprendre un peu de pouvoir sur Bercy. On attend maintenant des annonces lors de la journée mondiale sans tabac du 31 mai », déclare-t-il.
Pour l’Institut national du cancer (INCa), il est en effet important de « renforcer la lutte contre le tabagisme » alors que la consommation de tabac repart aujourd’hui à la hausse. « Le tabagisme serait responsable de plus de 37 000 décès par cancers par an en France », rappelle l’Institut. Lutter contre le tabagisme reste « l’action préventive la plus efficace pour lutter contre le cancer », insiste-t-il Une évidence manifestement oubliée par une frange du gouvernement.
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