PAR LES Drs XAVIER QUANTIN*, SEBASTIEN GUILLAUME* et IVAN BERLIN**
• Outils d’évaluation de la dépendance
L’évaluation de la dépendance au tabac est incontournable afin de guider la prescription des traitements d’aide à l’arrêt. L’échelle d’évaluation la plus couramment utilisée est le test dit de Fagerström, correspondant en fait au « Fagerström Test for Nicotine Dependence » (FTND) (1). Cette échelle en six items permet de quantifier la dépendance. Le score total est de 10, entre 0 et 2 le patient est considéré comme non dépendant, entre 3 et 4 faiblement dépendant, entre 5 et 6 moyennement dépendant, 7 à 10 fortement ou très fortement dépendant au tabac.
Un test plus court a été proposé, reprenant les deux items les plus importants de l’échelle d’évaluation de Fagerström, à savoir le nombre total de cigarettes fumées par jour et le temps écoulé entre le réveil et la première cigarette fumée. Ce test connu sous le nom de « Heaviness of Smoking Index » (HSI)(2)
Une troisième échelle d’évaluation, qui consiste à mesurer la dépendance chez les adolescents est proposée sous le nom de HONC (Hooked On Nicotin Check List) (3, 4). Cette échelle d’évaluation en dix items, a été développée par l’équipe de DiFranza au Canada considérant que le test de Fagerström ne permettait pas d’évaluer de manière satisfaisante la dépendance au tabac.
De fait, la dépendance est un processus dynamique et s’installe de façon plus ou moins progressive dès le début de la consommation de tabac. Un adolescent peut présenter déjà des signes de dépendance malgré une consommation faible, voire occasionnelle. En prenant en compte le nombre de cigarettes fumées quotidiennement, le test de Fagerström sous estime la dépendance. De la même façon le délai entre le réveil et la première cigarette peut être modifié par l’environnement, en l’occurrence la connaissance par les parents du tabagisme chez leur enfant, qui attend d’être à l’abri de leur regard pour fumer sa première cigarette. Selon le HONC, Il est considéré qu’il existe une perte d’autonomie dès lors que le score est supérieur ou égal à 1 [3].
Outil de repérage des troubles anxieux, dépressifs et psychotiques sous jacents.
La connaissance des facteurs pronostiques du succès du sevrage tabagique nous renseigne sur les éléments à prendre en compte lors de la prise en charge d’un arrêt du tabac. La dépendance pharmacologique, mais également l’existence d’antécédents de troubles psychiatriques ou de co-addictions ont une valeur pronostique négative régulièrement retrouvée dans la littérature. Considérant l’âge moyen des personnes entreprenant un sevrage tabagique, l’ignorance d’un trouble psychotique préexistant sous-jacent est peu vraisemblable. Par contre, l’existence d’un trouble anxieux ou dépressif peut être dénié ou sous-estimé par le patient lui-même.
Une échelle d’évaluation de dépistage des troubles anxio-dépressifs, appelée « Hospital Anxiety Depression Scale », est couramment utilisée. Cet outil a été validé en français et comporte quatorze items cotés de 0 à 3, 7 concernant l’anxiété et 7 la dépression. Il est important de rappeler que cette échelle d’évaluation permet le dépistage, mais pas le diagnostic d’un trouble anxieux ou dépressif. Dans une méta-analyse récente, Brennan (6) retrouve pour la dépression une sensibilité de 82 % et une spécificité de 74 %, et pour l’anxiété, une sensibilité et une spécificité de, respectivement, 78 % et 74 % lorsque le seuil choisi est ≥ 8.
Outil de repérage des coaddictions.
La recherche de comorbidités addictives est facilitée par l’utilisation de deux échelles d’évaluation : le « CAGE » concernant l’alcool et le « CAST » (6) concernant la consommation de cannabis. Ces échelles d’évaluation permettent de repérer l’usage problématique de l’un ou l’autre de ces deux produits.
L’ensemble de ces questionnaires est retrouvé dans le dossier mis à la disposition gratuitement par l’INPES. Ce dossier regroupe également un certain nombre d’items permettant d’évaluer l’environnement du patient fumeur, en particulier le niveau d’éducation, le niveau social ou l’environnement affectif du patient qui sont également des facteurs pronostic du sevrage. Si ces facteurs ne sont pas forcément modifiables, ils peuvent aider à orienter la prise en charge en recherchant des solutions pour, par exemple, permettre la prise en charge financière des substituts nicotiniques, intégrer le patient dans des groupes de sevrage tabagique où les patients pourront trouver le soutien qu’ils n’auront pas à l’extérieur.
* Pneumologie, CHU Montpellier.
**Pharmacologie, Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Heatherton TF et coll. The Fagerstrom Test for Nicotine Dependence: a revision of the Fagerstrom Tolerance Questionnaire. Br J Addict 1991 ; 86 : 1119- 27.
(2) Heatherton TF et coll. Measuring the heaviness of smoking using self reported time to first cigarette of the day and number of cigarettes smoked per day. Br J Addict 1989 ; 84 : 791- 800
(3) DiFranza JR et coll. Measuring the loss of autonomy over nicotine use in adolescents: the DANDY (Development and Assessment of Nicotine Dependence in Youths) study. Arch Pediatr Adolesc Med 2002 ;156: 397-403.
(4) Tabac. Comprendre la dépendance pour agir. Expertise INSERM 2004.
(5) Brennan C et coll. The Hospital Anxiety and Depression Scale: a diagnostic meta-analysis of case-finding ability. J Psychosom Res 2010 ; 69 : 371-8.
(6) Legleye S et coll. Psychometric properties of the Cannabis Abuse Screening Test (CAST) in a French sample of adolescents. Drug and Alcohol Dependence. Article in Press.
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