Une nécessité criante

Traiter les fumeurs même non motivés

Publié le 04/11/2010
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PAR LE Pr BERTRAND DAUTZENBERG*

ACQUIS par un comportement, la dépendance tabagique est avant tout une maladie chronique, d’évolution une fois sur deux mortelle, qui justifie que tout médecin traite tous les fumeurs quel que soit le degré de motivation : on ne met pas en préalable la motivation pour entreprendre le traitement d’un cancer ou d’un diabète, il n’y a pas de raison objective d’exiger une bonne motivation comme préalable de l’arrêt du tabac. La motivation est utile pour accompagner le traitement aussi bien chez les malades atteints de dépendance tabagique que chez ceux atteints de diabète ou de cancer, mais l’absence de motivation ne peut être un prétexte pour ne rien faire ou pour remettre à plus tard.

Cette nécessité de traiter tout fumeur est encore plus criante quand le fumeur est déjà au stade de complication de sa maladie tabagique avec cancer bronchique, BPCO, maladie vasculaire ou autre maladie chronique. La prise en charge des fumeurs a, en effet, beaucoup évolué et, à côté de l’arrêt complet et brutal, bien d’autres stratégies peuvent être adoptées. Pour un fumeur qui ne peut s’imaginer non fumeur au long cours, un arrêt temporaire pour une intervention chirurgicale, une grossesse, une maladie aiguë est le plus souvent acceptée.

Des chances d’arrêt augmentées.

L’association des médicaments d’aide à l’arrêt rend celui-ci souvent plus facile qu’anticipé. Ils vont permettre de secondairement switcher vers un arrêt complet définitif. La réduction du tabagisme par un patient qui diminue sa consommation en utilisant des médicaments d’aide à l’arrêt ne diminue pas les chances d’arrêt, mais au contraire les augmente. Cette réduction du tabagisme peut être conduite en restant libre de continuer à fumer à sa guise chez un fumeur non motivé. Après une ou deux semaines d’une telle expérience, un grand nombre de fumeurs constatent qu’ils ont réduit de façon très significative leur consommation sans effort et deviennent prêts à un renforcement du traitement médicamenteux pour réduire encore, voire arrêter de fumer.

Trois volets.

Le traitement de la dépendance tabagique, comme le traitement de nombreuses maladies chroniques, repose sur trois volets qui ont tous montré leur efficacité dans les métaanalyses :

- les médicaments d’aide à l’arrêt qui doublent ou triplent les chances de succès chez le fumeur sain, mais qui l’augmentent encore plus chez le fumeur atteint de maladies cardiaque ou de BPCO, car chez ces patients, le placebo donne des résultats catastrophiques ;

- l’éducation thérapeutique : contrairement aux démarches de motivation, l’information sur le tabagisme et les techniques d’arrêt sont acceptées de tous, surtout si l’on place cela comme une information objective, en dehors du temps ;

- la motivation et le soutien psychologique, qui sont une aide, mais pas un préalable à l’arrêt.

* Unité Tabac, Service de pneumologie et réanimation, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris.


Source : Le Quotidien du Médecin: 8850