Lutte contre le tabagisme

Une relance s’impose, selon le HCSP

Publié le 25/10/2010
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POUR LE HAUT CONSEIL de la santé publique (HCSP), il est urgent de renforcer la politique contre le tabagisme. L’avis, adopté le 22 septembre, est rendu public après l’annonce de chiffres inquiétants montrant une progression de 1,8 % en cinq ans de la proportion de fumeurs, passée de 31,8 % en 2005 à 33,6 % en 2010 (« le Quotidien » du 20 octobre).

« AUCUNE initiative majeure n’a été prise contre le tabagisme actif en France depuis 2005 en dehors de l’interdiction de vente aux mineurs relevée de 16 à 18 ans en juillet 2009 », relève notamment le Haut Conseil. En 2009, les ventes de tabac ont été équivalentes à celles de 2004, soit quelque 55 milliards de cigarettes. Parallèlement, les tentatives d’arrêt, mesurées par les ventes de médicaments d’aide au sevrage, ont baissé : 1,9 million de tentatives en 2009 contre 2,2 millions en 2003. Or, souligne le HCSP, le sevrage tabagique « est de loin la démarche de prévention ayant le meilleur rapport coût/efficacité en prévention secondaire, mais également en prévention primaire », sachant qu’actuellement le tabac coûte plus cher qu’il ne rapporte à l’État.

Le Haut Conseil pointe par ailleurs la dilution des responsabilités entre le ministère de la Santé, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT) et les agences sanitaires (INCa, INPES, AFSSAPS et HAS), qui nuit selon lui à la définition et à la mise en œuvre d’une politique coordonnée et efficace. Et surtout, il estime que « le peu de contrôle des mesures prises en France est un problème majeur ».

La haute instance recommande donc « l’annonce d’une nouvelle étape dans la politique publique » avec des mesures volontaristes. Trois lui apparaissent prioritaires. Tout d’abord une augmentation forte du prix du tabac (une hausse de 10 % entraîne en moyenne une baisse de la consommation de 4 %). Et la France devrait plaider pour une harmonisation européenne afin de lutter contre les échanges transfrontaliers. Deuxième priorité : des actions en direction des jeunes, des milieux les moins favorisés et des femmes enceintes (en inscrivant « zéro tabac » et « zéro alcool » dans tous les documents liés à la grossesse. Enfin, la nouvelle politique devrait comprendre prioritairement un déploiement des corps de contrôle pour faire respecter les interdictions (de vente aux mineurs et de fumer dans les lieux publics).

Remboursement des médicaments de sevrage.

Parmi les autres recommandations figurent la formation des généralistes et des sages-femmes au sevrage tabagique et le remboursement des médicaments « démontrés efficaces d’aide à l’arrêt du tabac » prescrits par un médecin. Le forfait de 50 euros actuellement en place est « insuffisant », dit le HCSP, selon lequel le remboursement par l’assurance-maladie permettrait une baisse du prix de vente des médicaments d’arrêt délivrés sur ordonnance. En tout état de cause, ajoute le Haut Conseil, il faut assurer le remboursement à 100 % aux femmes enceintes qui fument, aux fumeurs bénéficiaires de la CMU et aux bénéficiaires d’une prise en charge pour une affection de longue durée. Il est rappelé que la Haute Autorité de santé (dans un avis du 18 janvier 2007) s’est déclarée favorable à la mise en place d’un subventionnement d’une démarche individuelle active de sevrage tabagique.

Quant au financement des mesures recommandées, il serait apporté par une augmentation de l’accise fixe (la taxe spécifique, qui rapporte chaque année à l’État plus de 10 milliards d’euros).

La Société française de santé publique se réjouit, dans un communiqué, de l’avis du Haut Conseil et encourage le gouvernement à s’emparer de ces propositions. Il salue aussi « ce premier avis "prévention" qui porte sur un des déterminants majeurs de santé et souhaite que suivent d’autres avis sur les thématiques addictives : consommation excessive d’alcool chez les jeunes, usages du cannabis, toxicomanie, pour lesquelles nos politiques publiques doivent être réinterrogées ».

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8843