Plantes aromatiques
Des symptômes d’allergie IgE-médiée, de légers à sévères, ont été décrits chez l’enfant comme chez l’adulte pour toutes les plantes aromatiques, en particulier les herbes fines (ail, oignon, céleri, fenugrec), la vanille et la vanilline. Il existe aussi des allergies professionnelles aux graines (1).
Plusieurs cas d’anaphylaxies sévères ont été rapportés avec le fenugrec, une allergie alimentaire (AA) qui serait en augmentation. Consommé en salades (feuilles) ou en pickles (graines), il est aussi responsable d’allergies croisées avec l’arachide (2).
Sésame
L’AA au sésame est apparue en Amérique du Nord et en Europe au début des années 2000, associée à une consommation en hausse (3), notamment en agrémentation du pain. Le test de provocation orale (TPO) est l’étalon-or du diagnostic.
Les profils des réaction sont variés : allergie IgE-médiée, le plus souvent sévère, d’apparition précoce, chez de jeunes enfants âgés de moins de 3 ans ; coexistence d’une autre AA (arachide par exemple) et d’une sensibilisation ; réactions adverses non reproductibles par les TPO.
Sarrasin
Le sarrasin est souvent un allergène masqué (dans les crêpes, les pains). Cette AA, apparue au début des années 2000, se manifeste par des symptômes d’anaphylaxie pouvant mettre la vie en danger (1). Elle légitime la prescription de stylos injecteurs d’adrénaline (de préférence deux).
Les tests cutanés et les dosages des IgE sont peu fiables, car les allergènes sont encore mal connus. En 2012, parmi 34 patients français allergiques au sarrasin, l’âge de début était précoce (moyenne de 6,5 ans). Les symptômes sont l’urticaire (58 %), l’angio-œdème du visage (38,7 %), le bronchospasme (38,7 %), l’œdème laryngé (19,3 %) et le choc anaphylactique (3,2 %) (4). C’est une allergie potentiellement sévère.
Laits de chèvre et brebis
L’AA aux laits de chèvre et de brebis sans AA aux protéines du lait de vache (APLV) est connue depuis le milieu des années 1990 (5). Les produits incriminés sont les laits, les yaourts, les pizzas, les plats cuisinés au fromage, des bonbons au lait et, très souvent, des produits masqués (couteau contaminé par un fromage, cuves ayant contenu ces laits.
Ces AA, graves, sont observées chez des polyallergiques (6). Une étude a rassemblé 14 cas d’AA au lait de chèvre sans APLV chez des enfants de 2 à 12 ans, surtout des garçons (n = 9), porteurs de symptômes sévères (8 cas d’anaphylaxie). Six enfants ont développé de 2 à 4 épisodes avant que le diagnostic ne soit établi (7). Des cas mortels ont été signalés.
Cette AA grave, en nette progression, justifie la prescription des stylos auto-injecteurs d’adrénaline.
Insectes
Broyats de vers de farine, de grillons, sauterelles, larves cuites : les aliments à base d’insectes sont naturellement très riches en protéines (8). Les allergènes en cause sont principalement la tropomyosine et l’arginine-kinase, panallergènes communs aux insectes, acariens, crustacés et mollusques, ce qui explique la possibilité de réactions croisées entre les près de 2 000 espèces comestibles (9).
Dans une population habituellement entomophage, 17 % des individus allergiques étaient suspects d’AA aux criquets comestibles : 70 % d’entre eux étaient sensibilisés, et 30 % cliniquement allergiques (10). Les symptômes étaient le syndrome d’allergie orale (SAO), l’urticaire, les vomissements, un œdème du visage, une dyspnée et une anaphylaxie.
Édulcorants de synthèse
En dehors des protéines TLP des pollens et des fruits, les édulcorants de synthèse ne sont pas encore produits de façon industrielle, mais nous n’en sommes pas loin (11). On peut citer aussi les extraits de stevia, les polyols (érythritol) et d’autres édulcorants comme les oses. Certains encore sont d’origine végétale, comme la brazzéine, la curculine de l’arille des fruits de Curculigo latifolia, la miraculine des baies de Synsepalum dulcificum (qui fait percevoir les goûts acides comme sucrés). Tous sont des allergènes potentiels.
Isolats de farine de blé
Très allergisants, les isolats de farine de blésont des concentrés de farine de blé, nouveaux allergènes produits par l’industrie alimentaire, utilisés pour leurs propriétés liantes, en particulier en charcuterie (12). Les tableaux de l’allergie au blé sont nombreux en dehors de la rhinite et de l’asthme du boulanger : AA aux hydrolysats ; sensibilisations croisées avec d’autres céréales (orge, seigle, avoine) ; anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments (AIEPIA). Dans ce dernier cas, plutôt que de suivre un régime sans gluten, il faut éviter l’effort pendant les trois heures qui suivent un repas. La transglutaminase, une enzyme intestinale, est activée par l’effort et augmente en effet la production de complexes antigéniques et la fixation des IgE.
Viandes de mammifères
Jusqu’à ces dernières années, l’AA aux viandes de mammifères était considérée comme rare. Sa prévalence varie selon les pays, de 0,3 % en Italie à près de 3 % en Allemagne. La viande de bœuf est le plus souvent en cause, mais toutes peuvent être incriminées.
Les symptômes, IgE-médiés, vont du SAO à l’anaphylaxie sévère, parfois mortelle. Le principal allergène est lasérumalbumine, détruite par la chaleur, ce qui explique que les réactions surviennent avec la viande crue ou mal cuite. Le diagnostic est basé sur les prick tests et les TPO.
On connaît des allergies croisées classiques dues à la sérumalbumine : lait de vache et bœuf, porc et chat, porc et sanglier (un cas mortel) (13). Si l’AA ne concerne qu’un seul type de viande, l’allergène croisant est autre que la sérumalbumine. Dans plusieurs cas, l’effort physique est un cofacteur.
Des cas d’anaphylaxies retardées aux viandes de mammifères (bœuf, porc, agneau) ont été rapportés dans différents pays, débutant plus de 6 heures après les repas, en général nocturnes. Un mécanisme non-IgE a d’abord été évoqué, puis un mécanisme IgE-dépendant a ensuite été démontré (sensibilisation à l’alpha-galactose).
Cetuximab plus tiques
Des anaphylaxies sévères, parfois mortelles, ont été décrites après la première perfusion de cetuximab, un médicament anticancéreux monoclonal humanisé fabriqué à partir de la souris, ayant des résidus sucrés (alpha 1-3 galactose) portés par les sites anticorps murins.
Ces cas étaient beaucoup plus fréquents dans les régions où les piqûres de tiques étaient fréquentes. Celles-ci injectent dans la peau humaine du « matériel alpha-gal » présent dans le sang de mammifères piqués précédemment. C’est ce qui explique que les anaphylaxies au cetuximab surviennent le plus souvent après la première perfusion chez des individus déjà sensibilisés par des piqûres de tiques (14).
L’auteur n’a pas de conflit d’intérêt.
(1) Dutau G.,
Le Dictionnaire des allergènes, 6
e édition. Phase 5, 2010, 351 p.
(2) Namork E et al. Severe allergic reactions to food in Norway: a ten year survey of cases reported to the food allergy register. Int J Environ Res Public Health. 2011;8(8):3144-55
(3) Dalal I et al. The pattern of sesame sensitivity among infants and children. Pediatr Allergy Immunol. 2003;14(4):312-6
(4) Hesse N et al. L’allergie au sarrasin : caractéristiques des patients suivis en Ille-et-Vilaine. Rev Fr Allergol. 2012;53(3):335. http://doi.org/10.1016/j.reval.2013.02.009
(5) Wüthrich B et al. Allergy to cheese produced from sheep’s and goat’s milk but not to cheese produced from cow’s milk. J Allergy Clin Immunol. 1995;96(2):270-3
(6) Bidat E., « Laits de chèvre ou de brebis, allergie », Allergie net.com, avril 2013. www.allergienet.com/allergie-lait-chevre-brebis
(7) Alauzet F, Bourrier T. Vingt ans d’allergie au laits caprins : à propos de 14 cas. Rev Fr Allergol. 2014;54(3):229-30
(8) Mairesse M et al. Risque allergique des insectes en alimentation humaine. Rev Fr Allergol. 2014;54(3):227-8
(9) Barre A et al. Entomophagie et risque allergique. Rev Fr Allergol. 2014;54(4):315-21
(10)Hamidou T et al. Allergie et sensibilisation aux criquets
Ornithacris turbida cavroisi dans la communauté urbaine de Niamey : à propos de 27 cas. Rev Fr Allergol. 2017;57(3):227
(11) Rougé P, Barre A. Nouveaux édulcorants : allergènes alimentaires potentiels. Rev Fr Allergol. 2017;57(3):203-5
(12) Codreanu-Morel F. Les allergènes transformés : exemple des isolats de blé. Rev Fr Allergol. 2012;52(3):138-40
(13) Drouet M et al. Fatal anaphylaxis after eating wild boar meat in a patient with pork-cat syndrome. Allerg Immunol (Paris). 2001;33(4):163-5
(14) Moneret-Vautrin D.-A., Jacquenet S., « Une allergie alimentaire aux viandes émergente : l’allergie à l’alphagal », Allergyvigilance.org. www.allergyvigilance.org/informations-et-actualites/243-allergie-alimen…
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