Depuis les années 2000, le cathétérisme périneural est la technique recommandée pour l’analgésie postopératoire des membres, permettant de prolonger la durée d’action d’un bloc, l’adaptant au patient par la mise en route de pompes élastomériques ou autocontrôlées pour les chirurgies les plus douloureuses. Le seul anesthésique local ayant l’AMM pour ce type de procédure à domicile est la ropivacaïne à une concentration de 0,2 % au plus. Les indications des cathéters sont bien définies, comme en chirurgie conventionnelle. Dans le cas d’une douleur intense prévisible de plus de 24 heures, ils sont proposés en chirurgie articulaire (arthrolyse, arthroplastie, chirurgie des tendons, mobilisations…), et en traumatologie pour les amputations. Ils sont de plus indiqués lorsqu’un bénéfice du bloc sympathique est attendu (greffes, brûlures, gelures), pour certains actes de kinésithérapie douloureuse, et, enfin, pour douleur chronique.
Cette technique, dont l’efficacité et la sécurité ont été montrées par de nombreux articles de la littérature, est adaptée à la chirurgie ambulatoire, permettant au patient ayant eu une intervention majeure d’être à domicile le soir même. La circulaire de l’ANSM de 2012 cadrait déjà cette pratique sur le plan réglementaire : elle définissait le parcours du patient (éligible à l’ambulatoire selon les recommandations de la Sfar) bénéficiant du cathéter à domicile, ainsi que le rôle strict et impératif de chaque professionnel de santé. Les doses et le mode d’administration de la ropivacaïne y étaient décrits.
L’écueil financier
Cependant, ces dernières années, de nombreux anesthésistes ont pensé qu’il n’était plus nécessaire de poser ce cathéter périneural ; ils utilisent des adjuvants permettant de prolonger la durée du bloc initial. Il est clair cependant que ces adjuvants ne permettent de prolonger le bloc que de quelques heures, et non de plusieurs jours. Les cathéters périnerveux à domicile nécessitent un matériel adapté et une organisation à mettre en place, et aucune rémunération ne peut être envisagée ni pour le médecin ni pour les réseaux de ville, ce qui en a certainement découragé certains.
Pourtant, depuis 2001, des équipes françaises posent ces cathéters en ambulatoire avec des résultats encourageants. Les difficultés auxquelles elles ont été confrontées se sont aplanies au fil du temps grâce à la gestion des dispositifs par les infirmières diplômées d’État (IDE) libérales, au remboursement des diffuseurs, à la rétrocession de la ropivacaïne.
Le principal écueil reste financier : ce geste ne figure toujours pas à la classification commune des actes médicaux (CCAM), même si des négociations sont en cours à la Cnam depuis le début de l’année, et le remboursement des actes infirmiers (surveillance du cathéter pendant les 72 heures de perfusion et retrait du cathéter) est impossible pour le moment.
Délégation de compétence
Le décret des actes infirmiers autorise les IDE à pratiquer des injections dans les cathéters placés à proximité d’un tronc ou d’un plexus nerveux. Mais certains conseils départementaux de l’ordre des infirmiers y sont hostiles et menacent de poursuites les IDE qui s’aventureraient sur ce terrain. Leur argumentaire repose sur une lecture littérale du décret de compétence à propos du « médecin pouvant intervenir à tout moment ». Mais il convient de ne pas confondre anesthésie et analgésie. Il s’est ensuivi un texte de la HAS pour une délégation de compétence, cadrant également de façon stricte cette pratique, et certaines régions fonctionnent de la sorte. C’est le cas des équipes de Marseille ayant signé une convention avec leur ARS.
Nous sommes donc en attente, et depuis plusieurs années, d’une modification par le ministère de la Santé du décret de compétence de la profession d’infirmier autorisant la surveillance et le retrait du cathéter par les IDE libérales, et une modification de la nomenclature des actes infirmiers ouvrant à la possibilité de rémunération de ces actes.
Avec les textes existants (référentiels Sfar, HAS, ANSM), ces cathéters peuvent être pris en charge en ambulatoire. Aux États-Unis et dans nombreux autres pays, le patient retire son cathéter lui-même ! C’est pour le confort et la sécurité du patient que les équipes françaises ont choisi une surveillance et une prise en charge par un réseau de ville incluant les IDE libérales, sans penser qu’un jour cette sécurité serait un frein au développement des actes plus lourds en ambulatoire. Mobilisons-nous pour faire avancer la législation. Rappelons que les premières séries françaises datent de 2001, et que l’objectif annoncé par la ministre pour le taux de chirurgie ambulatoire est de 70 % en 2022, mais sans douleur pour le patient !
L’objectif annoncé par la ministre pour le taux de chirurgie ambulatoire est de 70 % en 2022, mais sans douleur pour le patient !
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