D’UNE PIERRE deux coups. Une équipe française dirigée par le Pr Philippe Giraud, radiothérapeute à l’hôpital Georges Pompidou (Paris), prend à bras le corps deux grandes angoisses masculines, la calvitie et le cancer de la prostate. Les résultats de leur étude vont jusqu’à suggérer qu’un traitement par inhibiteur de la 5-alpha réductase, le finastéride, pourrait être efficace en prévention de ces deux phénomènes androgéno-dépendants chez les très jeunes hommes perdant leurs cheveux.
D’après les chercheurs, une alopécie à l’âge de 20 ans doublerait, en effet, le risque de cancer de la prostate. Une chute de cheveux de survenue précoce deviendrait ainsi un critère de choix pour cibler le dépistage du cancer de la prostate. « Le dosage systématique des PSA à l’âge de 50 ans est largement débattu, rappelle pour "le Quotidien" le Pr Giraud. Alors que le dépistage tout venant expose au risque de surtraiter et d’être délétère, le fait de cibler les sujets à risque est pleinement justifié. Notre étude montre que les hommes ayant commencé à perdre leurs cheveux très jeunes sont plus exposés que les autres ».
Une origine androgéno-génétique
L’alopécie androgénétique est un trouble extrêmement banal, qui touche environ la moitié des hommes à un moment de leur vie. Si l’affection est androgéno-dépendante, une survenue précoce à l’âge de 20 ans est observée dans une population très particulière ayant une mutation génétique. La testostérone et certains métabolites sont présents à des taux très élevés. Or, les androgènes jouent un rôle dans le développement et la croissance de cette tumeur. « Le surrisque de cancer de la prostate n’a pas été retrouvé pour une calvitie d’apparition à l’âge de 30 ou 40 ans, précise le chercheur. Si l’origine génétique est certaine pour une alopécie à l’âge de 20 ans, c’est moins vrai plus tard. D’autres causes non androgéno-dépendantes peuvent être impliquées dans la chute de cheveux. Ce sont sans doute ces biais qui masquent l’association à un âge plus avancé».
Pour obtenir leurs résultats, les chercheurs français ont réalisé une étude cas-témoins, comparant des sujets ayant un cancer de la prostate (n=388) à des témoins appariés sans antécédent prostatique (n=281). «Les hommes se souviennent très bien de l’âge d’apparition de leur calvitie, note le Pr Giraud. Le caractère rétrospectif de la question ne semble pas avoir été un élément limitant. Avec le suivi au long cours qu’elle implique, une étude prospective, trop contraignante, n’était pas envisageable dans un premier temps ». Les sujets ont ainsi précisé l’âge de survenue de l’alopécie et le degré de sévérité selon l’échelle de Hamilton-Norwood en 4 stades. Le stade I correspond à l’absence d’alopécie, le stade II à une perte de cheveux frontale au niveau des tempes, le stade III à une atteinte du vertex en haut du crâne et le stade IV à une association de ces différents types. L’étude a duré 28 mois et les sujets ayant un cancer de la prostate étaient âgés de 46 à 84 ans.
Identifier les sujets à risque après 30 ans
Si l’âge d’apparition de la calvitie est apparu très clairement comme un facteur de risque, la sévérité de l’atteinte ne semble pas influencer la survenue du cancer de la prostate. Il n’y a eu aucun cas de stade IV et seulement trois cas de stade III à l’âge de 20 ans, et l’association est ressortie clairement pour les stades II-IV (37 cas et 14 témoins). À noter également que la survenue précoce de la chute de cheveux n’est pas corrélée à l’agressivité du cancer.
Au-delà du dépistage, il est envisageable qu’un traitement par inhibiteur de la 5 alpha réductase puisse prévenir l’apparition d’un cancer de la prostate ... et de la calvitie. Prescrit dans le traitement de l’alopécie androgénique, le finastéride, qui bloque la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone, a montré une efficacité pour diminuer l’incidence du cancer de la prostate. « Tout cela reste bien sûr à évaluer, tempère le Pr Giraud. Dans l’immédiat, nous allons nous atteler à mieux définir le profil des sujets ayant une calvitie à 20 ans. Une étude prospective au sein d’un groupe hétérogène d’hommes ayant une calvitie plus tardive nous permettra ensuite de corréler les données dans le but d’identifier les sujets à risque ».
Annals of Oncology. doi/10.1093/annonc/mdq695
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