Invité par le Syndicat des biologistes et la Société française de biologie clinique (SFBC) à s’exprimer sur la nécessité ou non d’un dépistage généralisé du cancer de la prostate, Paul Perrin (service urologie du Centre hospitalier Lyon-Sud) s’est alarmé de cette persistance du large recours au dosage de la PSA, malgré les deux recommandations de la HAS insistant sur l’absence de bénéfice d’un dépistage systématique. La HAS préconise que l’usage de cet examen soit restreint au cadre d’une détection individuelle. En pratique, c’est la faible adhésion à ces recommandations qui a transformé la détection précoce et individuelle recommandée en un dépistage systématique non organisé.
30 % de biopsies en plus
« La HAS propose un "dépistage individuel" », explique Paul Perrin, « ce qui est une catastrophe sémantique, les médecins n’ont pas compris les termes de l’échange et sont convaincus que ne pas faire de dépistage serait une perte de chance pour le patient. Il faut parler de "détection individuelle" », ce qui implique un changement d’attitude face à un patient demandeur d’un dosage de la PSA. « On rencontre deux types de profil », estime-t-il. « Il y a ceux qui ont vraiment très peur, et à qui on peut demander de "tendre le bras" et il y a ceux qui sont inquiets mais qui veulent préserver leur qualité de vie. Ceux-là doivent être informés qu’il n’est pas nécessaire de les surmédicaliser. Il faut leur dire qu’après un dosage, ils courent un risque de biopsie augmenté de 30 %. Il faut qu’ils sachent qu’on pourra les traiter s’ils présentent un jour des symptômes, avec un bénéfice quasiment identique à celui d’un traitement initié suite à un dépistage. »
« Nous sommes aujourd’hui face à un dépistage de masse non organisé. » Selon une étude de 2012 à laquelle il a participé, 47,7 % des hommes de 55 à 74 ans avaient subi un dosage de la PSA au cours de 2010, et 75,6 % avaient eu ce dosage lors des 3 dernières années. Ces pourcentages avaient du reste peu varié depuis 2008. Dans 88,2 % des cas, la prescription était faite par un médecin généraliste, les urologues ne représentant que 3,2 % des prescripteurs, « ce qui ne signifie pas que nous ayons fait mieux que les autres », précise Paul Péri.
Un faible bénéfice trop cher payé
Selon l’étude européenne ERS PC menée sur 182 000 hommes de 50 à 74 ans qui a servi de base aux recommandations de la HAS, un dépistage systématique du cancer de la prostate par un dosage de la PSA permet d’éviter un décès pour 1 000 patients (5,17 morts/1 000 dans le bras contrôle contre 4,1 dans le groupe dépisté tous les quatre ans) mais au prix d’un doublement du nombre de biopsies de la prostate, et d’un doublement du nombre d’impuissances et d’incontinences constatés dans le bras dépisté. Au total 60 cancers ont été diagnostiqués pour 1 000 patients dans le groupe témoins contre 96 dans le groupe dépisté, mais « on voit que l’on a surtout doublé le nombre de tumeurs bien différenciées repérées, pour seulement une tumeur indifférenciée » qui serait passée inaperçue sans dépistage, détaille Paul Perrin.
Le rapport du Dr Vernand remis le 2 septembre préconisait le déremboursement des dosages du PSA réalisés sans signe d’appel clinique. Paul Perrin envisage une solution moins radicale : « On pourrait réduire le remboursement des dosages de la PSA, mais en échange, la CNAMTS s’engagerait à fournir toutes les données sur les prescriptions de ces dosages, à qui ils sont prescrits et sur l’évolution de la santé de ces patients. »
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