Cancers de la thyroïde : alerte d’experts sur les diagnostics excessifs

Publié le 28/08/2013
1377703971449688_IMG_109564_HR.jpg

1377703971449688_IMG_109564_HR.jpg
Crédit photo : PHANIE

Les nouvelles techniques d’imagerie pourraient-elles faire dépister des lésions à faible risque d’évolution et entraîner des traitements excessifs ? La question est posée dans le « British Medical Journal » par des experts à propos du cancer de la thyroïde. Sous le titre « Cancer de la thyroïde : une imagerie zélée a augmenté la détection et le traitement de tumeurs à bas risque », Juan Brito et coll. (Mayo Clinique, Rochester, Minnesota, États-Unis), évoquent ces tumeurs de 2 mm de diamètre dépistables par les techniques performantes d’imagerie par échographie, IRM et CT-scan, et qui « alimentent une épidémie de diagnostics et de traitements de cancers de la thyroïde qui n’auraient pas progressé jusqu’aux symptômes et au décès ». Ces cancers papillaires de petite taille sont de découverte courante dans les autopsies.

Augmentation mondiale

Aux États-Unis, l’incidence du cancer de la thyroïde a triplé au cours des 30 dernières années, passant de 3,6 cas/100 000 à 11,6 /100 000 en 2009. Ce qui en fait l’un des diagnostics qui connnaît une augmentation d’incidence parmi les plus élévées. Toutefois, les formes ne sont pas toutes de pronostic équivalent, et les taux de décès par cancer papillaire de la thyroïde sont demeurés stables.

L’augmentation du cancer de la thyroïde est observée à l’échelle mondiale, comme le montrent des revues récentes (« Journal of Cancer Epidemiology », avril 2013).

Au-delà de l’impact de Tchernobyl, la hausse des nouveaux cas s’explique surtout par le dépistage de nodules thyroïdiens cancéreux de plus en plus petits. Et il s’agit essentiellement de micro-cancers papillaires, très peu évolutifs, et qui constituent 80 % des cancers de la thyroïde, qui pourraient faire l’objet simplement d’une surveillance.

Complications de la thyroïdectomie

L’écart croissant entre l’incidence du cancer de la thyroïde, toutes formes confondues, et les taux de décès est un argument tangible en faveur d’un excès de diagnostic des formes à bas risque, souligne l’expert.

Cela s’assortit d’une exposition des patients à des traitements superflus et potentiellement nocifs. « L’excès à la fois des diagnostics et des traitements, doit être pleinement reconnu », poursuivent J. Brito et coll.

L’auteur rappelle les complications de la thyroïdectomie : l’hypocalcémie (par lésions des parathyroïdes), les problèmes phonatoires par lésions du nerf récurrent, qui apparaissent particulièrement pénalisantes quand l’intervention est inutile. Les coûts dus à l’augmentation récente de 60 % des thyroïdectomies aux États-Unis sont également précisés.

Enfin, les auteurs évoquent l’usage de l’iode radioactif chez les patients ayant des formes à bas risque qui s’est également accru, passant de 1/300 patients à 1/5 patients, en dépit des recommandations contraires.

Cet article fait partie d’une série sur les risques et la nocivité des diagnostics excessifs dans différentes pathologies courantes, publiés par le « British Medical Journal » dans l’objectif de réduire les dégâts et les gaspillages dus à des soins excessifs. Une conférence va avoir lieu en septembre sur ce thème : « Preventing Overdiagnosis » (Dartmouth University, États-Unis) en association avec ce journal.

British Medical Journal, 27 août 2013.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr