HTA et insuffisance cardiaque

Chimio : les risques cardio-vasculaires

Publié le 28/03/2013
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Les progrès réalisés dans les traitements oncologiques permettent des survies prolongées, voire la guérison de la maladie. Mais les médicaments utilisés, qu’il s’agisse de chimiothérapies ou de thérapies ciblées, ont très souvent des effets secondaires cardiaques et sont ainsi susceptibles d’aggraver une pathologie cardiaque préexistante et d’entraîner des complications cardiovasculaires, à court terme, mais aussi à long terme. « On voit aujourd’hui de plus en plus de patients présentant des complications cardiovasculaires des années après une chimiothérapie. C’est notamment le cas de jeunes patients traités dans l’enfance qui développent une cardiopathie dilatée à l’âge de 20 ou 25 ans, parfois révélée par une décompensation cardiaque au cours d’une grossesse ou, chez les jeunes hommes, lors de la pratique d’une activité physique », précise le Pr Atul Pathak.

Physiopathologiquement, les effets délétères cardiaques des chimiothérapies s’expliquent assez simplement : toute chimiothérapie, quelle qu’elle soit, détruit les cellules, préférentiellement les cellules cancéreuses qui sont plus sensibles du fait de leur renouvellement rapide, mais à un moindre degré les cellules de tous les autres tissus. Et si seuls de 5 à 10 % des cardiomyocytes sont initialement touchés, cette destruction à minima pourra, avec le temps, avoir des conséquences cliniques.

De nombreux anticancéreux en cause

La cardiotoxicité des anthracyclines est la plus anciennement connue. Mais d’autres agents sont également associés à un risque élevé de complications cardiovasculaires, comme les agents alkylants tels que le paclitaxel ou le 5-fluoro-uracile. Les thérapies ciblées (trastuzumab ou bévacizumab par exemple), dont le caractère ciblé est faussement rassurant, ne sont pas dénuées d’effets pléiotropes, en particulier cardiovasculaires. Certains traitements utilisés dans les hémopathies malignes ont également des effets indésirables cardiaques (imatinib).

« Cliniquement, la complication cardiovasculaire la plus sévère est l’insuffisance cardiaque, secondaire notamment à l’administration d’anthracyclines. Les traitements peuvent avoir une toxicité propre, mais aussi jouer un rôle d’accélérateur du vieillissement cardiovasculaire normal. Une hypertension artérielle est aussi fréquemment observée, en particulier après prise d’antiangiogéniques. L’incidence est souvent sous-estimée dans de nombreuses études (car les seuils d’alerte dans les essais cliniques sont différents entre cardiologue et cancérologue, la méthode de mesure n’est pas souvent adaptée.) Dans la vraie, vie, ce ne sont pas 2 à 3 % des patients qui développent une HTA, mais plutôt 30 %. Dans ce contexte l’HTA est volontiers sévère, avec une atteinte fréquente des organes cibles. Le traitement par bévacizumab peut se compliquer ainsi d’un infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral », poursuit le Dr Pathak sans faire un catalogue exhaustif de toutes les molécules concernées.

À court terme, les effets cardiaques des chimiothérapies impliquent d’évaluer le rapport bénéfice/risque du traitement, et la survenue d’effets secondaires cardiaques en cours de traitement, peut conduire dans certains cas, lorsque le pronostic cardiovasculaire est plus sévère que le pronostic oncologique, à remettre en cause la poursuite de la chimiothérapie.

« À plus long terme, la chimiothérapie doit être considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire, au même titre que les facteurs classiques et tout patient ayant un antécédent de cancer avec chimiothérapie est donc un patient à risque cardiovasculaire », insiste le Pr Pathak. « Ce paramètre est essentiel à prendre en compte par le médecin traitant, parfois sollicité par le patient longtemps après une chimiothérapie. Face à toute symptomatologie cardiovasculaire, dyspnée, palpitations, syncope…, le patient doit être adressé chez un cardiologue pour un bilan, en soulignant l’existence d’un antécédent de chimiothérapie ».

La prise en charge de ces affections cardiovasculaires au long cours, hypertension artérielle et insuffisance cardiaque en particulier, ne diffère pas vraiment de la prise en charge classique de ces mêmes affections.

D’après un entretien avec le Pr Atul Pathak, pharmacologie et cardiologie, CHU, Toulouse.

Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9230