En ce mois de novembre dédié à la sensibilisation autour du cancer du poumon, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), le Syndicat des médecins pneumologues et le Syndicat national des radiothérapeutes oncologues ont signé une tribune commune dans laquelle ils renouvellent leur appel en faveur d'un dépistage organisé de cette pathologie. Au 18 novembre, 429 signatures de médecins ont été recueillies. « Nous allons bientôt ouvrir la tribune au grand public pour sensibiliser les politiques à la veille des élections présidentielles », explique le Dr Jean-Philippe Massoin, radiologue libéral à Carcassonne et président de la FNMR.
Afin d'étayer son argumentation, la Fédération est en discussion avec des mutuelles et assurances santé pour lancer une expérimentation nationale. Les sociétaires à haut risque (fumeurs, anciens fumeurs, travailleurs à certains postes à risque) de ces organismes se verraient proposer un scanner basse dose. Cette nouvelle génération d'appareil permet de détecter des nodules pulmonaires tout en minimisant l'exposition aux rayonnements. L'identification de ces patients à haut risque se ferait via une application gratuite comportant un questionnaire sur le mode de vie.
La première lecture serait effectuée sur console par un radiologue ayant reçu une formation spécifique, et la seconde par une IA (Computer Assisted Diagnostic ou CAD). Les promoteurs de l'expérimentation estiment en effet que le recours à l'IA en deuxième lecture augmente la sensibilité. En octobre 2018, le Conseil professionnel de la radiologie française a annoncé la création de DRIM France IA, un écosystème d’intelligence artificielle dont la mission est de faire l'évaluation des outils d'intelligence augmentée.
En cas de généralisation d'un dépistage organisé du cancer du poumon, le modèle de référence est celui du cancer du sein. Pour les signataires de la tribune, il faut proposer un dépistage national à tous les patients fumeurs ou sevrés depuis moins de 10 ans (avec un seuil à 10 cigarettes par jour pendant 30 ans ou 15 par jour pendant 25 ans). Le protocole serait proposé à 50 ans puis, en cas de résultat négatif, un an plus tard, puis tous les deux ans jusqu'à 74 ans.
Les données s'accumulent
L'expérience réalisée par la FNMR n'est pas la première du genre en France. Citons, l'expérimentation DEP KP80 dans la Somme, Lumascan au centre hospitalo-universitaire de Créteil, le programme Detector à l'hôpital Saint Joseph de Paris ou encore le projet Acapulco en cours depuis 2020 en Corse.
« Le cancer du poumon, c'est 33 000 décès chaque année, soit un tiers des morts du Covid en 2020, explique le Dr Masson. Les études étrangères de grande ampleur Nelson et NLST ont montré que l'on pouvait réduire de 20 % la mortalité par cancer du poumon. Si on trouve un nodule de 1 cm, vous avez 90 % de chance de guérir. Cette chance de survie baisse rapidement à mesure que la lésion grossit ».
Combat de longue haleine
Des données qui ne convainquent pas les tutelles. « Il y a 6 mois, le directeur de l'INCa m'a expliqué qu'il n’avait pas confiance dans les études étrangères », se désole le Dr Masson, qui explique la lenteur du dossier par une « volonté de réduire les coûts de santé en diminuant l'offre ». « Avec les baisses tarifaires à répétition, 150 cabinets ont fermé. Il y a des territoires sans radiologue et une pénurie de manipulateurs, poursuit-il. La Haute Autorité de santé est en pourparlers avec l'INCa sur ce dossier. Ils produiront peut-être un avis l'année prochaine mais nous ont dit qu'il ne faut rien atteindre de concret avant 5 ans. Je ne peux pas l'accepter : cela représente 150 000 morts de plus ! ».
L'expérimentation tentée par le FNMR devrait comporter un volet médico-économique. « Un acte de radiologie interventionnelle, rendu possible par un dépistage précoce, coûte entre 3 et 10 fois mois cher qu'un acte de chirurgie classique auquel il faut recourir quand le diagnostic est plus tardif, mais c'est une notion qui est niée par l'Assurance-maladie », avance le Dr Masson.
Le plaidoyer en faveur du dépistage organisé du cancer du poumon est une lutte de longue date pour le FNMR qui a participé au dépôt d'amendements dans ce sens dans plusieurs PLFSS successifs. En 2021, changement de stratégie : « Nous essayons d'être plus convaincants auprès des associations de patients et du grand public, explique le Dr Masson. Nous travaillons aussi avec les compagnies d'assurances. Aux États-Unis, ce sont les compagnies d'assurances et les mutuelles qui ont mis en place le dépistage organisé. »
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