Les thérapies ciblées constituent l’une des grandes voies de progrès. Dans le mélanome muté BRAF, ce qui est le cas chez environ un patient sur deux, deux inhibiteurs sélectifs de BRAF (vemurafenib, dabrafenib) ont fait la preuve de leur efficacité. D’autres molécules et surtout des associations ont fait l’objet d’évaluation.
Les résultats de trois essais de phase 3 réalisés chez des patients ayant un mélanome cutané non résécable ou métastatique et porteurs d’une mutation BRAF V600 E ou K soulignent les bénéfices de l’association inhibiteur de BRAF/inhibiteur de MEK. Le premier, COMBI D, a comparé en première ligne l’association dabrafenib / trametinib au dabrafenib seul. Ses résultats publiés en septembre dernier (1) montrent un bénéfice en termes de survie sans progression : médianes de 9,3 mois versus 8,8 mois (chiffres qui vont évoluer avec le temps) mais surtout HR à 0,75 (p = 0,03), soit un bénéfice de 25 %. Le taux de réponse globale est de 67 % vs 51 %, et pour la survie globale l’HR est à 0,63 (p = 0,02). En termes de tolérance, les auteurs rapportent moins de carcinomes épidermoïdes chez les patients recevant l’association, mais plus de fièvre (51 % versus 28 %).
Les travaux français
Les résultats du second essai, COMBI V qui comparait la même association au verumafenib ont été présentés au dernier congrès de l’ESMO par le Pr Caroline Robert ( Institut Gustave Roussy, Villejuif). La survie globale est augmentée avec l’association (HR 0,69, p=0,002) , tout comme la survie sans progression (11,4 mois versus 7,3 mois, HR = 0,56, p ‹0,001). Les effets secondaires sont conformes à ce qui était attendu (digestifs, cutanés, oculaires, augmentation des enzymes musculaires et photosensibilisation). Les carcinomes épidermoïdes ont été moins fréquents.
De la même façon, l’essai COBRIM (2) Larkin et al. (N Engl J Med 2014) montre que l’association du cobimétinib et du vemurafenib s’avère très supérieure au vémurafenib seul avec un profil de tolérance assez comparable: taux de réponse 68 % versus 45 %, gain de 39 % en survie sans progression et de 35 % en survie globale
Pour le Pr Céleste Lebbé, "le standard va devenir une association, même si nous sommes toujours en attente d’une ATU".
Dans les mélanomes mutés N-RAS, après les résultats encourageants observés dans les essais de phase 2 avec le binimetinib et le pimasertib, les données de deux essais contrôlés évaluant ces inhibiteurs de MEK sont attendus.
Les résultats préliminaires (phase 1/2) obtenus avec différentes associations ont par ailleurs fait l’objet de présentations : paclitaxel-trametinib, sur de petits effectifs (ESMO2014) ou binimetimib et inhibiteur du cycle cellulaire (CDK4/6) (ASCO2014).
Trois essais de phase 2 ont souligné les bénéfices obtenus avec l’imatinib chez les patients avec mutation KIT. Un taux de réponse similaire, de 20%, a été rapporté à l’ASCO par C. Lebbé et collaborateurs avec un autre inhibiteur de c-KIT, le nilotinib.
Autre axe de développement majeur: l’immunothérapie, avec une méta-analyse qui confirme avec désormais cinq ans de recul les taux de réponse durable (20%) obtenus avec l’ipilimumab (anticorps anti-CTLA4). Les effets secondaires, immunomédiés, sont gérables à l’aie d’algorythmes décisionnels bien établis.
Parallèlement, les données se confirment pour deux anticorps anti-PD1, qui agissent en activant les lymphocytes T cytotoxiques, le nivolumab et le pembrolizumab (anciennement dénommé lambrolizumab).
« Le nivolumab donne des taux de réponse de l’ordre de 31 % toutes doses confondues dans une étude de phase I présentée en juin dernier à l’ASCO, souligne le Pr Lebbé. Les taux de survie sont de 63 % à un an et d’environ 40 % à deux et trois ans comparativement à 10 % voire moins dans le groupe contrôle ». Ces résultats viennent d’être confirmés en phase III dans un essai randomisé versus dacarbazine avec un taux de réponse à 40 % et une survie à 1 an de 72.9 % (3). Des taux de réponse comparables (38% toutes doses confondues) sont rapportés avec le pembrolizumab (4), avec un taux de survie de 69% à un an. Les résultats à deux ans ne sont pas encore connus. Contrairement à l’ipilimumab avec lequel les réponses sont tardives, les réponses sont beaucoup plus précoces avec les inhibiteurs de PD1.
Des données préliminaires avec l’association ipilimumab-nivolumab, présentées également à l’ASCO 2014, sont très encourageantes : taux de réponse de 45 à 50 % et taux de survie de 85 % à un an et de 79 % à deux et trois ans. Un essai de phase 3 est en cours.
La toxicité des anticorps anti-PD1 est bien moindre que celle des anti CTLA4, (5 à 10 % de toxicité de grade 3 quand ils sont administrés seuls), ; ils s’élèvent à 60 % en association avec l’ipilimumab.
La prise en charge du mélanome bénéficie ainsi depuis quelques années de progrès remarquables. Le futur proche devrait permettre de définir les meilleures stratégies, en précisant la place des associations et le choix des séquences thérapeutiques.
« Il apparaît aujourd’hui très important de disposer de registres nationaux, à l’instar de la base nationale MELBase de l’INCa, coordonné à l’hôpital Saint-Louis », conclut le Pr Céleste Lebbé.
D’après un entretien avec le Pr Céleste Lebbé, hôpital Saint-Louis, Paris.
(1)Long GV et al. N Engl J Med. 2014 Sep 29
(2)Larkin et l. N Engl J Med 2014; 371:1867-18
(3)Robert C et al.N Engl J Med ; 16, novembre 2014.
(4) Robert C et al. Lancet. 2014 Sep 20;384(9948):1109-17
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