L'idée du Groupe onco-hématologie Adolescents et jeunes adultes (Go AJA) est née dans un train en 2011, d'une discussion entre la Dr Laurence Brugières, oncopédiatre à Gustave Roussy (fondatrice de la première unité AJA en 2002), la Dr Perrine Marec-Bérard, son homologue à l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de Lyon, et la Dr Valérie Laurence, oncologue médicale à l'Institut Curie de Paris. Les trois spécialistes revenaient d'une réunion européenne en Angleterre, pays pionnier dans la prise en charge des adolescents et jeunes adultes (AJA). La première unité dédiée a ouvert à Londres en 1990, tandis qu'il a fallu attendre le deuxième plan Cancer 2009-2013 pour que la France reconnaisse la nécessité d'actions spécifiques pour cette population.
« Les adolescents et jeunes adultes avaient fait entendre leur voix lors des premiers États généraux des malades du cancer en 1998 ; des initiatives émergeaient depuis les années 2000 à Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, pour créer des dispositifs spécifiques. Alors nous avons voulu réunir nos forces pour donner corps à ce sujet », se souvient la Dr Laurence, vice-présidente de Go AJA et responsable de l’unité AJA à l'Institut Curie.
En mai 2012, les statuts de l'association sont déposés. La priorité : que les professionnels de la pédiatrie et de l'oncologie adulte - médecins mais aussi psychologues, infirmiers, diététiciens, assistantes sociales - et les associations collaborent et se coordonnent. Ceci pour améliorer la qualité des soins de ces jeunes en pleine transition, leur accès aux essais cliniques, développer la recherche, recenser les besoins sociaux, former les professionnels et porter la parole auprès des pouvoirs publics. Cette volonté d'une rencontre entre les mondes de la médecine d'adultes et de la pédiatrie se traduit par la constitution d'un bureau mixte et pluridisciplinaire.
Le tournant du plan Cancer 3
Depuis sa création, Go AJA a mené des travaux épidémiologiques pour recenser les AJA traités en France (environ 2 300 nouveaux cas par an) ainsi que plusieurs actions d'informations, comme la création d'un site internet (go-aja.fr) et d'un fil Twitter (@Go_AJA_Go). L'association a aussi publié des fiches consacrées à la préservation de la fertilité ou à la sexualité pendant les traitements.
La société savante a participé aux discussions des mesures du troisième plan Cancer (2014-2019) dont l'ambition était « d'assurer aux AJA une prise en charge tenant compte de leurs spécificités et s'attachant au maintien du lien social ». Go AJA s'est notamment impliquée dans l'instruction DGOS/Inca publiée en mai 2016 qui structure la prise en charge régionale des AJA, en s'inspirant d'une expérimentation lancée en 2012 dans huit centres.
Elle compte aussi parmi ses réussites la mise en place d'une réunion de consultation pluridisciplinaire (RCP) nationale neuro-oncologie, consacrée aux tumeurs du système nerveux des AJA, et le lancement d'un diplôme interuniversitaire (Université de Lyon/Paris/Angers) pour former les soignants, médecins et paramédicaux à la prise en charge des AJA. Sans oublier la participation aux groupes de travail internationaux, au sein des sociétés européennes d’oncologie (Esmo) et d’oncologie pédiatrique (Siope).
Sensibiliser les oncologues adultes
Forte d'une centaine d'adhérents, Go AJA espère désormais sensibiliser et mobiliser davantage les oncologues adultes, même si les 15-25 ans ne représentent que 2 à 3 % de leur patientèle (versus 15 à 20 % pour les oncopédiatres). L'enjeu est crucial, notamment dans le cadre de la structuration des RCP : « Les maladies ne s'arrêtent pas à 18 ans. Les organisations interrégionales pédiatriques et adultes doivent se structurer pour que des pédiatres et des oncologues adultes soient présents lorsqu'on discute du dossier d'un AJA », explique la Dr Laurence.
Go AJA entend aussi développer le soutien à la recherche, en lançant ses propres appels d’offres. Un premier appel a été lancé en 2021 permettant de financer des travaux sur le suivi gynécologique des jeunes filles et sur une application de suivi ; le conseil scientifique espère en ouvrir un second en 2023.
La société savante souhaite aussi approfondir la réflexion sur l'inclusion des AJA dans les essais cliniques, malgré la frilosité des industriels. « Nous travaillons à des inclusions par pathologie, et non par tranche d'âge. Encore la semaine dernière, un patient de 17,3 ans n'a pu entrer dans un essai qui ouvre à 18 ans. Inversement, un patient de 22 ans avec une pathologie pédiatrique ne pourra pas bénéficier d’un essai s’arrêtant à 18 ans alors que sa pathologie le justifierait », illustre la Dr Laurence.
Go AJA se veut aussi un interlocuteur incontournable des pouvoirs publics (Institut national du cancer, agences régionales de santé…), en particulier dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie décennale de lutte contre les cancers. Si les AJA ne font pas l'objet d'un chapitre spécifique, cette population est concernée par chacun des trois axes : la prévention (primaire et secondaire), la limitation des séquelles et l'amélioration de la qualité de vie, la prise en charge des cancers de mauvais pronostic, en l'occurrence les tumeurs cérébrales non curables. « Cette présence des AJA dans chacun de ces axes est une bonne chose, car cela permet d'agir sur plusieurs domaines », commente la Dr Marec-Bérard, présidente de Go AJA et coordinatrice du dispositif ado-jeunes adultes (Dajac) de Lyon.
Sous son impulsion, Go AJA devrait aussi se pencher sur l'après-cancer, « pour que les jeunes, une fois leur traitement terminé, ne restent pas livrés à eux-mêmes », résume-t-elle. Enfin, la présidente de Go AJA entend faire de l'équité de l'accès aux soins - priorité transversale de la stratégie décennale - une réalité. Si la France compte 27 équipes AJA, certaines régions, comme le Sud-Ouest ou la Bretagne, sont moins bien dotées que d'autres (Île-de-France, Rhône-Alpes, Sud-Est). « La spécificité des AJA est désormais reconnue. Mais si 50 % de ces jeunes sont suivis dans un petit nombre de centres identifiés comme centres AJA, la prise en charge de l'autre moitié de ces patients est très disparate ; il faut augmenter le maillage territorial des dispositifs AJA afin de donner à chaque jeune la même qualité de soins », plaide la Dr Marec-Bérard.
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