Depuis 15 ans, la description des sous types moléculaires de cancer du sein et l’émergence de « signatures pronostiques » bien validées sur de larges cohortes ont amené à une compréhension plus fine du pronostic des cancers du sein non métastatiques. Mais « on n’est pas encore arrivé à une désescalade thérapeutique large que devraient permettre ces innovations. C’est plus un effet de mode qu’une réalité clinique aujourd’hui », résume le Dr Paul Cottu (Institut Curie, Paris). Alors que, à l’autre bout du spectre, dans les cancers métastatiques, on ajoute années après années de plus en plus de lignes thérapeutiques.
Certes, les progrès réalisés en termes de qualité de vie, induits par un meilleur maniement des armes thérapeutiques, sont parfois qualifiés de désescalade. Et améliorer la qualité de vie constitue un bénéfice très important pour les femmes. « Mais il ne s’agit pas de désescalade thérapeutique à proprement parler, souligne-t-il, telle que celle qui a été réalisée en chirurgie ». Depuis 20 ans en effet, on ne pratique plus le curage ganglionnaire systématique mais en fonction du ganglion sentinelle. La radiothérapie hypofractionnée (moins de séances), bien mieux tolérée, utilise toutefois autant de gray en dose cumulée qu’avant par patiente.
Pas encore tranchée
« La question, encore non tranchée, de la désescalade thérapeutique, ne concerne que les cancers du sein dits luminaux (cancers RE+) », rappelle le Dr Cottu. En France, grâce au dépistage, ils représentent 70 % des formes au diagnostic. Or leur pronostic est très hétérogène. Actuellement tous relèvent au moins d’une hormonothérapie adjuvante.
Leur survie sans récidive oscille de 5 à 15 % à 10 ans. Parmi eux, il y a une minorité de cancers de très bon pronostic, mais aussi des tumeurs de mauvais pronostic. Et entre les deux, des tumeurs dont la taille et/ou le statut ganglionnaire sont associées à un pronostic intermédiaire. Par exemple : taille› 1-1,5 cm avec ganglion axillaire envahi, taille› 3 cm sans ganglion envahi…
Ces formes au pronostic difficile à préciser rassemblent au moins le tiers des cancers luminaux. Et la question du bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante y est largement débattue. « Pour l’instant, dans la plupart des cas, on pratique une chimiothérapie adjuvante. Mais avec quel bénéfice et quel coût suivant le sous-groupe pronostique ? Sachant que pour répondre à ces questions, il faut prendre en compte deux paramètres : le bénéfice sur les récidives, mais aussi le prix que les femmes sont prêtes à supporter en termes d’effets secondaires ou de récidive », souligne le Dr Cottu.
Des investissements importants
Témoins d’une recherche active… mais aussi d’investissements importants, plusieurs « signatures pronostiques » ont été mises au point et validées sur des cohortes, comme la signature OncotypeDx (lire encadré ci-contre). Certains de ces outils, combinés aux facteurs pronostiques traditionnels (taille, ganglion…) augmentent la précision pronostique, en particulier les tests PAM 50 et EndoPredict.
Est-ce suffisant pour s’abstenir, chez certaines femmes, de chimiothérapie adjuvante ? Les Américains répondent oui, les Européens, non. Ces scores pronostiques – en dehors de la signature Oncotype Dx, ont en effet des niveaux de preuve en clinique, selon les critères admis actuellement, ne permettant pas leur prescription en routine. L’INCa reste encore très prudent dans ses recommandations. Et actuellement, aucune nomenclature ni remboursement n’existe pour ces tests.
Rappelons que les indications de radiothérapie et d’hormonothérapie adjuvantes ne sont pas remises en question à ce jour.
Une situation à étudier par pays
Attention à ne pas superposer les résultats et la problématique d’un pays à l’autre.
« Dans le système de santé français, on bénéficie d’anatomopathologistes très expérimentés et d’un système d’Assurance-maladie de qualité permettant une évaluation fine des types de cancers. Les indications de tests génomiques ne seront vraisemblablement pas majoritaires dans ce cadre. Des études d’impact sont en cours. Quand, Outre-Atlantique, l’accès à ces divers examens est largement financé par les assurances privées et les patients eux-mêmes », rappelle le Dr Cottu. De même que le coût des traitements.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024