TOUS SITES confondus, plus d’un cancer sur cinq est lié au surpoids, en particulier à la graisse abdominale. « Compte tenu de la fréquence croissante de l’obésité, tous les progrès permis par les démarches de prévention mises en uvre dans les pays occidentaux, risquent donc d’être annihilés » insiste le Pr Hillon.
La prévalence de l’obésité augmente dans le monde entier. Probablement liée pour l’essentiel, aux excès caloriques et au défaut d’exercice physique, l’obésité pourrait aussi être aggravée par la pollution chimique, même s’il ne s’agit que de résultats expérimentaux. Une étude de P. Irigaray (FEBS J 2006) réalisée chez des souris recevant un régime enrichi en benzopyrène - un polluant chimique - a montré que ces dernières prenaient plus de poids et plus vite que les animaux témoins (recevant la même alimentation, mais sans polluant), en raison d’une inhibition de la lipolyse induite par le système sympathique. Cette étude suggère qu’à nutrition égale, une alimentation polluée entraînerait une prise de poids plus importante, faute de destruction du tissu adipeux.
Or, le risque de cancer augmente avec la charge pondérale, comme le suggère la synthèse de 141 études de cohorte publiée dans « The Lancet » en 2008. En cas d’IMC supérieur ou égal à 35, le risque de mortalité par cancer du foie est multiplié par 4,52 ; par 2,61 pour le cancer du pancréas, 1,94 pour celui du foie, par 1,91 pour le cancer de l’sophage et 1,84 pour le cancer du côlon et du rectum,l’exercice physique ne semblant que partiellement protecteur.
La surcharge graisseuse abdominale et le diabète de type 2 qu’elle induit augmentent la gravité des cancers et peuvent modifier l’efficacité des traitements. L’aggravation du pronostic a d’ailleurs été rapportée pour les cancers du sein hormonosensibles quel que soit le statut ménopausique et pour le risque de récidive des carcinomes hépatocellulaires (CHC) après résection à visée curative. Une étude récente a mis en évidence une relation entre l’importance de la surcharge graisseuse abdominale et une mortalité augmentée chez les malades atteints de cancer colique métastatique recevant un traitement de première ligne comportant du bevacizumab. Ce mauvais pronostic était lié à une baisse de la réponse au traitement anti-angiogénique.
Explications pathogéniques.
Trois grands mécanismes semblent pouvoir expliquer ces données.
- La libération, par le tissu graisseux abdominal, de cytokines pro-inflammatoires et d’acides gras libres réduit la sensibilité à l’insuline, provoquant une insulinorésistance. Il s’ensuit une augmentation de la sécrétion d’insuline et une augmentation de la fraction libre de l’insulin-like Growth Factor 1 (IGF1), deux puissants facteurs de croissance cellulaires venant « booster » le développement des cellules tumorales. « La vitesse de croissance des CHC non traités, est corrélée à l’insulinémie à jeun. Les taux de récidive de ces cancers sont très élevés chez les diabétiques. Ainsi, l’insuline paraît agir sur le développement et la gravité des cancers du foie » précise le Pr Hillon.
- La graisse abdominale sécrète des adipokines (dont la leptine). Or la leptine est un facteur de croissance pour toutes les cellules pourvues de récepteurs à leur surface. Elle est dotée de propriétés angiogéniques. Ajoutée à la sécrétion par le tissu adipeux abdominal de facteurs angiogéniques, voilà de quoi favoriser la multiplication cellulaire, et aussi la vascularisation nécessaire à la croissance tumorale. De plus, la leptine possède une action sur les métalloprotéinases, des enzymes impliquées dans la perméabilité des tissus de soutien. La leptine ayant tendance à augmenter cette perméabilité, elle pourrait faciliter, cette fois, la dissémination des cellules cancéreuses.
- Enfin l’obésité abdominale s’accompagne d’une hyperestrogénie et d’une hyperandrogénie, surtout délétères pour les cancers hormono-dépendants féminins et masculins.
A linverse, une étude suédoise a montré que chez des personnes atteintes d’obésité morbide, après chirurgie suivie d’une perte de poids très importante, la fréquence des cancers diminuait de façon marquée en quelques années. Dans le cadre des obésités morbides opérées, on peut donc obtenir une réversion du risque de cancer. Il reste à démontrer qu’elle est aussi possible en cas de surpoids plus modeste.
D’après un entretien avec le Pr Patrick Hillon, CHU de Dijon.
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