Dans les tumeurs neuroendocrines (TNE), la radiothérapie interne vectorisée (RIV) consiste à injecter l’octréotide, un analogue de la somatostatine, couplé à un chélateur et un atome de lutetium 177, qui va se fixer sur les récepteurs de la somatostatine présents au niveau tumoral. On réalise ainsi une radiothérapie extrêmement ciblée dont l’efficacité est corrélée à la quantité de récepteurs et à l’intensité de la captation. Condition sine qua non, la présence de récepteurs mais 85 à 90 % des TNE digestives bien différenciées les expriment.
On ne disposait jusqu’ici que d’essais rétrospectifs avec en particulier une publication en 2008 par l’équipe de Rotterdam ; NETTER-1 est la première étude prospective randomisée à valider la RIV dans les TNE de l’intestin moyen, iléon surtout et colon droit. La survie sans progression est à 20 mois de 65,2 % versus 10,8 % pour l’octréotide 60 mg/28 jours seul (p < 0,001). Sur la survie, on ne dispose que de résultats intermédiaires qui montrent un avantage significatif et un article récent a mis en évidence pour la première fois une amélioration de la qualité de vie.
La RIV a l’AMM européenne pour toutes les TNE exprimant les récepteurs de la somatostatine mais le remboursement est limité en France aux tumeurs du grêle, les autres localisations relevant d’ATU.
Quelle place dans la stratégie thérapeutique ?
On sait que les options thérapeutiques pour les TNE du grêle sont très limitées. La première ligne de traitement fait généralement appel aux analogues « froids » de la somatostatine, octréotide ou lanréotide, efficaces sur les symptômes tels que le syndrome carcinoïde et qui augmentent la survie sans progression tumorale. La question se pose en seconde ligne de traitement, dans des TNE localement avancées mais surtout au stade métastatique. La résection chirurgicale doit toujours être discutée, même en cas de métastases, mais elle n’est pas réalisable dans 80 % des cas. La chimiothérapie classique et les thérapies ciblées (évérolimus) ont une efficacité limitée dans cette localisation. Les traitements locorégionaux comme les embolisations intra-artérielles hépatiques ne traitent que les métastases hépatiques et ne sont pas dénués d’effets secondaires. « La RIV se pose donc en alternative à l’évérolimus qui ne permet que la stabilisation tumorale et non la régression, avec une tolérance immédiate insatisfaisante, explique le Pr Ruszniewski. Un essai en cours compare ces deux thérapeutiques ». La RIV est bien tolérée à court terme ; à long terme, la toxicité rénale du fait de l’élimination urinaire du produit radioactif semble maîtrisée par la perfusion d’acides aminés avant la RIV. Dans 2 à 3 % des cas, on observe une toxicité médullaire avec un risque de syndrome myélodysplasique, voire de leucémie aiguë, surtout lorsque les patients ont déjà reçu d’autres traitements cytotoxiques. Ces complications relativement peu fréquentes sont à mettre en balance avec le bénéfice du traitement.
Identifier les patients répondeurs
On vérifie la présence de récepteurs soit par une scintigraphie (Octréoscan) à l’octréotide marqué à l’indium 111, soit de préférence par une TEP au gallium 68, bien plus sensible. Plus la fixation est intense, meilleure sera la réponse à la RIV. Elle est évaluée sur l’Octéoscan par le score de Krenning, qui détermine 4 grades de fixation par comparaison à la fixation de certains organes : 0 (pas de fixation), 1, 2 et 3 (respectivement inférieure, égale et supérieure à la fixation hépatique), 4 (identique à celle de la rate). Dans l’étude NETTER-1, 90 % des patients avaient une fixation de grade 3 ou 4.
Le suivi post-RIV se fait sur la clinique, les marqueurs hormonaux comme la chromogranine A et les 5 HIAA urinaires mais surtout sur les critères RECIST. Il existe d’autres critères plus spécifiques de médecine nucléaire, mais ils ne sont pas reconnus internationalement.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Ruszniewski, Hôpital Beaujon
(1) Strosberg J, El-Haddad G & al, Phase 3 Trial of 177Lu-Dotatate for Midgut Neuroendocrine Tumors, N Engl J Med 2017; 376:125-135DOI: 10.1056/NEJMoa1607427
(2) Dik J. Kwekkeboom, Wouter W. de Herder & al, Treatment With the Radiolabeled Somatostatin Analog [ 177Lu-DOTA0 ,Tyr3 ]Octreotate: Toxicity, Efficacy, and Survival, J Clin Oncol 26:2124-2130. © 2008
(3) Jonathan R. Strosberg, Edward M. Wolin & al, NETTER-1 phase III: Progression-free survival, radiographic response, and preliminary overall survival results in patients with midgut neuroendocrine tumors treated with 177-Lu-Dotatate, Journal of Clinical Oncology 2016 34:4_suppl, 194-194
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